Timea Bacsinszky, sous le soleil exactement
Tennis
Il a fait chaud, très chaud, à Melbourne et la Vaudoise a eu chaud, très chaud, face à l’Italienne Camila Giorgi (6-4 3-6 7-5). Du coup, elle était contente, très contente

Il n’y a pas de Roland-Garros sans quelques sifflets du public, pas de Wimbledon sans un peu de pluie (mais parfois moins qu’à Roland-Garros), pas d’US Open sans stars dans la loge de Roger Federer. Il n’y a pas non plus d’Open d’Australie digne de ce nom sans canicule. Elle a frappé au deuxième jour, alors que le week-end précédent avait été plutôt frais. Préchauffez votre four pendant dix minutes sur thermostat 6, ouvrez la porte, tendez la main; vous avez un assez bon aperçu des conditions dans lesquelles Timea Bacsinszky et son adversaire du premier tour, l’Italienne Camila Giorgi, pénétrèrent sur le court N°13 mardi, par 35° à l’ombre.
Problème: il n’y a pas d’ombre sur le court N°13. Pas d’arbre, pas de bâtiment alentour, une seule tribune abritée par un modeste auvent. Même rabattus, les sièges sont brûlants. Le public prend vite des libertés avec l’étiquette (déjà passablement froissée ici): certains enlèvent les chaussures, d’autres font tomber le haut. Les ramasseurs de balles sont équipés de casquettes à rabats comme les chasseurs du bush. Seul Dimitri Zavialoff, l’entraîneur de Bacsinszky, imperturbable comme à son habitude, reste froid.
Un match de deux heures et demie
Il sait peut-être que Timea Bacsinszky ne craint pas la chaleur. «Au contraire, j’adore ça!», assure la Suissesse. Le problème que lui pose Camila Giorgi la perturbe bien davantage. Modeste 72e mondiale, l’Italienne propose un jeu assez rare chez les filles, fait de coups surpuissants lâchés en permanence. Ça passe ou ça casse, et même les deux à la fois. Ça casse le rythme (aucun rallye de plus de quatre échanges de tout le match) et ça (se) passe lentement: 2h32 pour en venir à bout. Parce qu’avec ce tennis à très haut risque, Giorgi entraîne son adversaire dans un chassé-croisé permanent. «Parfois je jouais bien et je me détachais, parfois je jouais bien et elle jouait encore mieux, parfois je jouais mal et elle encore plus mal», résumera Timea Bacsinszky.
On la vit ainsi mener 2-0, se faire remonter à 2-2, reprendre l’avantage 4-2, le reperdre à 4-4. A 5-4, on change les juges de ligne (que Bacsinszky trouvait d’ailleurs mauvais). Le public aussi semble se relayer. Les joueuses restent dans la fournaise et dans leur plan de jeu. Camila Giorgi tutoie le sublime et les lignes de fond, mais frappe aussi souvent sans discernement (69 fautes directes au total). Peut-être ne comprend-elle pas les signes qu’un homme à l’exubérante chevelure grise s’évertue à lui adresser entre chaque point, avant de plonger sa tête entre ses mains à chaque mise en jeu.
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C’est Sergio Giorgi, le père. Un drôle de personnage, accusé en 2015 par Sport Illustrated d’avoir escroqué plusieurs personnes aux Etats-Unis en les incitant à investir sur sa fille. Si les financiers n’ont jamais revu leur argent, le potentiel de la jolie Camila est bien réel. «C’est une super joueuse, reconnaît Timea Bacsinszky. Avec elle, il n’y a pas de règle: elle peut battre n’importe qui. Il ne faut pas se frustrer mais être très vite sur ses jambes, tenir trois-quatre échanges puis la faire déjouer.» Blonde vénitienne, le regard charbon, la tenue saumon, elle semble de surcroît avoir le soutien de tous les jeunes mâles célibataires hétéros du coin.
Beaucoup mettraient bien un billet sur elle dans la deuxième manche. Giorgi mène 4-1, puis 5-3. Mais Timea Bacsinszky ne renonce pas et s’accroche. Le neuvième jeu est interminable (plus de 13 minutes), entre balles de dé-break et balles de sets. L’Italienne conclut finalement (6-3).
La chaleur est tombée, le jour aussi. On allume les projecteurs. C’est déjà fini sur presque tous les courts environnants. La sono de l’un d’eux crache une version acoustique de My way. «And now, the end is near/And so I face the final curtain». Bacsinszky la fait à sa façon. Alors que la canardeuse d’en face commence à s’émousser, la Lausannoise fait briller sa science du jeu. Elle se détache à nouveau (5-2). Dos au mur, Camila Giorgi lâche tout, réussit presque tout, et revient à 5-5. «A ce moment-là du match, ça peut tourner d’un côté comme de l’autre», admet, fataliste, Dimitri Zavialoff.
Ce match, c’était un long entretien avec moi-même
Au lieu de se crisper, sa joueuse se libère. «Je me suis comme détachée du court, racontera Timea Bacsinszky. Gagnante ou perdante, je savais que j’avais bien joué et je me le répétais. Il y a bien longtemps que je n’avais pas été aussi bienveillante avec moi-même.» L’auto-estime est efficace: la fin de match est le feu d’artifice final qui manque souvent au tennis féminin. Bacsinszky sauve deux balles de break à 5-5, Giorgi survit à quatre balles de match. Puis l’Italienne rate un ultime coup (6-4 3-6 7-5). Aux points, elle perd de très peu (110 contre 113 à Bacsinszky). «J’ai bien joué mais pas assez aux moments importants», regrettera-t-elle.
Sitôt le match terminé, Dimitri Zavialoff se précipite pour satisfaire un besoin qui n’en pouvait plus d’attendre. En sueur, serviette blanche autour du cou, on dirait que c’est lui qui sort du court. «C’était stressant, admet-il. Mais Timea a bien réagi lorsqu’il l’a fallu.» «Ce match, c’était un long entretien avec moi-même», résumera la Vaudoise. Elle aura eu le dernier mot.
Rafael Nadal a toujours les faveurs du public
Au lendemain de l’entrée en lice de Roger Federer, son alter ego Rafael Nadal a eu lui aussi les honneurs de la Rod Laver Arena. Succédant à Serena Williams, qui venait de battre Belinda Bencic en deux sets (6-4 6-3), l’Espagnol a réussi un match solide contre l’Allemand Florian Mayer (6-3, 6-4, 6-4). Le Majorquin, qui avoua également avoir été un peu stressé au moment de revenir (sa saison s’était achevée le 20 octobre à Shanghai en raison de douleurs à un poignet), fut chaleureusement applaudi par le public de Melbourne. «C’était génial d’être de retour dans un grand stade, de sentir le soutien et l’amour des gens, commenta-t-il. C’est très spécial pour moi. Je peux seulement dire merci.»
Tombé au 9e rang mondial, Rafael Nadal s’est montré prudent quant à ses ambitions ici. «Il faut que je rejoue des matches pour retrouver la confiance. Quand vous êtes sur le circuit, c’est automatique et vous pouvez jouer sans trop penser au prochain point. Mais après une longue absence, il faut retrouver tous ces automatismes qui permettent de jouer plus librement.»
Son classement correspond donc à sa valeur du moment. «Je suis No 9, c’est la réalité. Mais je sens que si je joue bien et que je reste en bonne santé, je peux faire beaucoup mieux.» Au deuxième tour, Rafael Nadal sera opposé au Chypriote Marcos Baghdatis, vainqueur (sur abandon) du Russe Mikhail Youzhny.