Le vélo ne pollue pas mais c'est aussi, parfois, un sale métier. Le peloton a ses règles, pas toujours équitables. Un cador en difficulté ne sera jamais livré à lui-même – en première partie d'étape, Steve Zampieri a d'ailleurs contribué à ramener en tête de course ses leaders Santiago Botero et Floyd Landis suite à leurs crevaisons respectives. Un brave porteur d'eau en revanche, lorsque ses jarrets transis deviennent inopérants, ne revêt plus grande valeur. On l'abandonne à son destin comme une hyène boiteuse aux vautours. Pour l'équipier modèle, le cyclisme redevient un sport individuel. Un impitoyable combat contre le chronomètre et les éléments. «J'avais froid et je savais que la route à parcourir était encore longue», raconte le Neuchâtelois, qui dispute son deuxième Tour de France après celui de 2003 couru sous le maillot de l'équipe Vini Caldirola. «Dans ces cas-là, on n'a qu'une seule angoisse: celle de ne pas rejoindre l'arrivée dans les délais.»
Le bagnard, boulet aux pattes et moral en berne, a pioché tant et plus afin d'échapper au couperet de la pendule. Pour 89 secondes exactement, il a arraché… le droit de repartir vendredi. «J'espère que je serai mieux», souffle-t-il. Le jury des commissaires s'est montré très sensible à l'abnégation du décramponné. Doté d'un sens de l'humour très particulier, il a récompensé le 187e et dernier du classement général en lui infligeant une amende de 50 francs, assortie d'une pénalité de 20 secondes pour «abri prolongé derrière un véhicule». Le règlement, c'est le règlement. Steve Zampieri, qui a payé une addition autrement plus relevée à force d'appuyer sur son pédalier, a dû accueillir la sanction avec le sourire, une fois plongé dans un bain chaud.
Un autre bain chaud, au sens figuré, a eu lieu dans le dernier virage précédant l'arrivée à Nancy. Echappé valeureux mais en passe d'être repris, le Lorrain Christophe Mengin a piqué une tête sur le bitume glissant, entraînant bon nombre de ses poursuivants dans les décors. Habiles ou chanceux, Lorenzo Bernucci et Alexandre Vinokourov en ont profité pour larguer la meute à 7''. Pour l'ambitieux Kazakh, désormais 3e au général (à 1'02''), c'est toujours ça de pris sur Lance Armstrong, qui conserve le maillot jaune.