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La terrible galère de Steve Zampieri

A la dérive, le Neuchâtelois rame pour terminer la 6e étape dans les délais.

Le vélo, ça ne pollue pas, c'est bon pour la ligne et ça permet de voir du pays. Malgré toutes ces excellentes raisons de squatter une selle, il ne fallait surtout pas parler des bienfaits de la petite reine à Steve Zampieri jeudi soir. Le Neuchâtelois venait sans doute, à 28 ans, de vivre sa pire journée de cycliste professionnel. A priori agréablement vallonnée, surtout pour le grimpeur qu'il est, la 6e étape du Tour de France, longue de 199 kilomètres entre Troyes et Nancy, a tourné au calvaire. Victime d'un terrible coup de pompe, le coureur de Phonak a terminé la journée à 26'23'' du vainqueur italien Lorenzo Bernucci. Il a effectué les 70 dernières bornes avec une pluie battante et la voiture-balai pour seules compagnes.

«Je n'ai jamais autant souffert. Je ne comprends pas ce qui s'est passé», a lâché l'infortuné en rejoignant son car avec la mine de celui qui vient de s'extirper d'une machine à laver. «Je me sentais pourtant bien hier (ndlr: mercredi) mais là, j'étais soudain sans la moindre force, complètement vidé. Peut-être ai-je payé les efforts fournis mardi lors du contre-la-montre par équipe. J'ai tenté de m'accrocher, mais je n'ai pu suivre la cadence. Et sur le Tour, ce genre de défaillance ne pardonne pas.»

Le vélo ne pollue pas mais c'est aussi, parfois, un sale métier. Le peloton a ses règles, pas toujours équitables. Un cador en difficulté ne sera jamais livré à lui-même – en première partie d'étape, Steve Zampieri a d'ailleurs contribué à ramener en tête de course ses leaders Santiago Botero et Floyd Landis suite à leurs crevaisons respectives. Un brave porteur d'eau en revanche, lorsque ses jarrets transis deviennent inopérants, ne revêt plus grande valeur. On l'abandonne à son destin comme une hyène boiteuse aux vautours. Pour l'équipier modèle, le cyclisme redevient un sport individuel. Un impitoyable combat contre le chronomètre et les éléments. «J'avais froid et je savais que la route à parcourir était encore longue», raconte le Neuchâtelois, qui dispute son deuxième Tour de France après celui de 2003 couru sous le maillot de l'équipe Vini Caldirola. «Dans ces cas-là, on n'a qu'une seule angoisse: celle de ne pas rejoindre l'arrivée dans les délais.»

Le bagnard, boulet aux pattes et moral en berne, a pioché tant et plus afin d'échapper au couperet de la pendule. Pour 89 secondes exactement, il a arraché… le droit de repartir vendredi. «J'espère que je serai mieux», souffle-t-il. Le jury des commissaires s'est montré très sensible à l'abnégation du décramponné. Doté d'un sens de l'humour très particulier, il a récompensé le 187e et dernier du classement général en lui infligeant une amende de 50 francs, assortie d'une pénalité de 20 secondes pour «abri prolongé derrière un véhicule». Le règlement, c'est le règlement. Steve Zampieri, qui a payé une addition autrement plus relevée à force d'appuyer sur son pédalier, a dû accueillir la sanction avec le sourire, une fois plongé dans un bain chaud.

Un autre bain chaud, au sens figuré, a eu lieu dans le dernier virage précédant l'arrivée à Nancy. Echappé valeureux mais en passe d'être repris, le Lorrain Christophe Mengin a piqué une tête sur le bitume glissant, entraînant bon nombre de ses poursuivants dans les décors. Habiles ou chanceux, Lorenzo Bernucci et Alexandre Vinokourov en ont profité pour larguer la meute à 7''. Pour l'ambitieux Kazakh, désormais 3e au général (à 1'02''), c'est toujours ça de pris sur Lance Armstrong, qui conserve le maillot jaune.