Un virage hallucinant sur la droite pour attaquer l'obstacle suivant d'une hauteur de 1,55 mètre, un cheval qui touche le bois avant de piquer du nez à la réception, le cavalier qui bascule par-dessus la tête, roule devant l'équidé, tente de s'extirper sur le côté mais encaisse à l'arrière de l'épaule la patte de la jument... La scène, samedi soir, a autant soulevé le cœur des 7600 spectateurs amassés à Palexpo Genève que troublé Meredith Michaels Beerbaum, postée à quelques mètres, qui voyait ainsi Ludger Beerbaum étendu sur la piste, touché au dos et au mollet...

Beau-frère dans la vie, camarade de l'équipe nationale allemande, concurrent redoutable, deux fois vainqueur de cette épreuve, Ludger Beerbaum était à cet instant le dernier concurrent à pouvoir arracher la victoire de la finale du Top Ten mondial, véritable masters du concours hippique, à la belle Meredith, la chouchou du public en l'absence du Brésilien Rodrigo Pessoa.

Série de succès

Sans cette chute, le cavalier allemand serait-il parvenu à dominer celle qui vient de signer une cascade de succès en un mois: 3e place au Grand Prix de Vérone, 2e place au Grand Prix de Lyon, lauréate de l'épreuve de Coupe du monde de Stuttgart et vainqueur du Grand prix de Munich la semaine dernière? Difficile à dire. Ludger et sa jument Gladdys S allaient très vite. Au chrono, il précédait sa belle-sœur. Mais l'ultime ligne droite de Meredith a été simplement prodigieuse. Elle et Shutterfly filaient comme un astre, se permettant même d'enlever une foulée avant l'ultime barre. «J'avais les yeux grand ouverts sur le dernier obstacle. Je savais que je devais aller très vite et tout risquer car Gladdys S (ndlr: la monture de Ludger) est un cheval très rapide». Eblouissante de fluidité, Meredith Michaels Beerbaum a affiché une facilité déconcertante dès le premier tour, alors que Shutterfly, hongre hanovrien de 13 ans, n'a rien d'une monture aisée, disent les spécialistes.

Cette deuxième victoire dans le Top Ten après 2004 marque un couronnement. «2004 et 2005 avaient été de très belles années, confie Meredith. 2006 l'est encore plus. C'est ma meilleure année.» Deux fois en bronze à Aix-la-Chapelle, Meredith, aujourd'hui numéro deux mondial, continue sur le circuit, mais Shutterfly rentre à l'écurie. Saison terminée. Repos mérité. Pour aller loin, il faut ménager sa monture.