Les quarts de finale de la Coupe du monde de rugby ont rendu leur verdict. Angleterre, Nouvelle-Zélande, Pays de Galles et Afrique du Sud se disputeront le titre. Et pendant ce temps, la compétition en revendique un autre: celui de «troisième événement sportif le plus populaire après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football», évoqué par le comité d’organisation japonais dans un rapport publié en 2015.

Mais l’événement phare du rugby n’est pas seul en lice: le Tour de France (cyclisme), les Championnats du monde d’athlétisme, la Ryder Cup (golf), la Coupe du monde de cricket ou même le Super Bowl (football américain) sont également tentés de s’en réclamer.

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Pour le Mondial de rugby, cette prétention ne date pas d’hier. En 2007, en préambule d’une édition se déroulant en France, un rapport commandé par le Ministère des sports du pays hôte considérait déjà la compétition comme «le troisième événement sportif» international. Un statut également évoqué à de multiples reprises par Bernard Lapasset durant son mandat à la tête de l’International Rugby Board (2008-2016). «L’intérêt de la question est surtout marketing, explique Emmanuel Bayle, professeur en gestion du sport à l’Université de Lausanne. Le but est de devenir l’événement auquel tout le monde veut être associé: les médias, les diffuseurs, les sponsors, le public et diverses têtes d’affiche.»

Une multiplicité d’indicateurs

Si les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football bénéficient «d’une avance monstrueuse», dixit Emmanuel Bayle, un certain flou entoure la dernière place du podium. Comment l’attribuer? «Les indicateurs peuvent être multiples: le nombre de pays participant à la compétition, le nombre de pays où elle est retransmise, le nombre de spectateurs et de téléspectateurs, le nombre de salariés et de bénévoles au sein du comité d’organisation, le budget de l’événement, l’impact dans les médias et sur les réseaux sociaux…», recense l’enseignant et chercheur.

Chaque discipline va donc exposer les arguments en sa faveur. Dans le rapport de 2015 déjà évoqué, la Coupe du monde de rugby se targue d’écouler entre 1,4 et 2,5 millions de billets lors de chaque tournoi depuis 2007. Des chiffres que seuls le football et les JO peuvent dépasser. De son côté, le Tour de France jouit d’une énorme popularité sur le bord des routes. Et Sebastian Coe, président de World Athletics, revendiquait récemment l’universalité des Championnats du monde d’athlétisme de Doha, où «environ 40 nations [étaient] susceptibles de gagner des médailles». Suffisant à ses yeux pour estimer représenter «le plus grand événement sportif de l’année». Devant, donc, la Coupe du monde de rugby.

Structuration rapide

Par rapport à de nombreuses disciplines, la discipline au ballon ovale souffre effectivement de son manque d’ouverture. Depuis la création du trophée en 1987, huit pays différents seulement ont atteint le dernier carré. Sur une période similaire (1990-2018), la Coupe du monde de football a par exemple connu 16 demi-finalistes différents. «Ses lacunes sont connues, mais le rugby réalise des progrès notables, complète Emmanuel Bayle. Ce sport s’universalise et conquiert de nouveaux territoires: c’est actuellement le cas en Asie, grâce à la Coupe du monde.»

«Les JO et le Mondial de football sont structurés depuis longtemps, poursuit-il. Ce n’est pas le cas des autres compétitions, dont la mondialisation et le développement marketing sont récents.» La Coupe du monde de rugby a su progresser très vite. «Le rugby a pris le foot pour modèle: sa compétition majeure suscite une réelle attente et dure plus de 40 jours, ce qui lui offre beaucoup d’exposition», enchaîne le professeur lausannois.

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Au Japon, les Jeux olympiques de 2020 auront plus d’impact que la Coupe du monde de rugby, mais celle-ci n’en pâtit pas. Les rugbymen se sont «stratégiquement positionnés sur les années impaires», ajoute Emmanuel Bayle. Un choix «tout sauf anodin» car tous les quatre ans, «personne ne leur fait trop d’ombre».