Un jeune sportif romand sur cinq a été victime d’une forme de violence, révèle une étude de l’Université de Lausanne
La chronique du CIRS
Une enquête de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne donne pour la première fois une indication chiffrée de la prévalence des abus physiques, psychologiques ou sexuels dans la pratique du sport organisé. Les risques et la forme de violences subies varient selon les sexes ou le niveau de pratique mais personne n’est à l’abri. Voici la synthèse des chercheurs

Le sport, malgré les vertus qui lui sont accordées, constitue une pratique sociale dans laquelle les enfants et les adolescents peuvent expérimenter différentes formes de violence, comme l’ont montré les affaires Nassar aux USA ou Abitbol en France. La récente vague de dénonciations provenant de sportifs de haut niveau en trampoline, gymnastique, hockey et football présume que le sport suisse n’est pas exempt de ce phénomène.
La culture de l’effort, les méthodes d’entraînement ainsi que la recherche de résultats en compétition constituent des facteurs de risque clés révélés par les recherches scientifiques européennes et nord-américaines.
La Suisse, pionnière de la prévention
Dès 1931, un centre médical genevois a été créé dans le but de lutter contre «l’abus d’un sport mal encadré et de détecter certaines affections liées à la pratique sportive». En 1985, une association d’entraîneurs genevois a rédigé la première Déclaration des droits des enfants dans le sport, aujourd’hui reconnue comme outil efficace de prévention en faveur de la santé et de l’intégrité des jeunes sportifs.
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Néanmoins, les résultats de la première étude de prévalence sur les violences interpersonnelles à l’encontre de jeunes sportifs en Suisse romande, menée sous la direction du professeur Denis Hauw à l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (Issul) laissent perplexe. Au total, 287 jeunes ayant participé à un sport organisé avant l’âge de 18 ans ont été interrogés par questionnaire sur leurs expériences de violence durant leur carrière sportive. Parmi eux, 20,3% ont affirmé avoir subi des violences psychologiques et physiques, 15,5% des violences sexuelles et psychologiques et 15,5% les trois formes de violence. La violence psychologique était celle identifiée comme la plus courante: violence verbale, dépréciation, pratiques d’entraînement punitives ainsi que cris, menaces ou encore dénigrements de la part de leurs entraîneurs.
Pas que les entraîneurs
Dans la lignée d’autres études européennes, cette enquête a mis en évidence que les auteurs de violences psychologiques et sexuelles dans le contexte sportif sont principalement des pairs, notamment lorsque les victimes sont des sportifs masculins. Ces résultats peuvent paraître surprenants, mais le sport se déroule dans des environnements moins structurés que l’école et dans lesquels les jeunes garçons se confrontent, exercent leur pouvoir et prouvent leur virilité.
On note aussi que les sportifs internationaux ont dit avoir subi plus de violence psychologique et physique de la part de leurs entraîneurs que de leurs pairs. Viser des résultats de haut niveau en sport implique de se confronter à des contraintes qui peuvent accentuer les risques de se voir maltraité, avec une tendance à normaliser certaines formes de violence pour accéder à la performance.
Pas tous égaux face au risque
Les sportifs masculins se sont révélés plus exposés à la violence physique (32%), alors que les sportives ont signalé davantage de violence sexuelle (45%), suggérant une pratique sportive fondée sur le développement de l’identité masculine: valorisant la force, la domination, voire la violence, les garçons peuvent recourir à des actes violents pour gagner le respect de leurs pairs. En ce qui concerne la violence sexuelle, les sportives subissent davantage cette forme de violence probablement parce que la grande majorité des entraîneurs sont des hommes et principalement hétérosexuels.
Toutefois, le fait que 20% de participants masculins ont affirmé avoir vécu une expérience de violence sexuelle indique que cette dernière n’est pas liée au fait d’être un homme ou une femme. Enfin, les résultats de cette enquête suggèrent que pratiquer un sport d’équipe peut augmenter le risque de subir des violences psychologiques et physiques de la part des autres athlètes: la définition floue des contacts corporels tolérés ou non pourrait expliquer en partie cette situation.
Cette enquête révèle que, malgré les initiatives prises dans les années 1930 en Suisse, les jeunes sportifs suisses romands ne sont pas à l’abri d’expérimenter non seulement une, mais plusieurs formes de violence. Les discussions sur ce thème et les moyens de la prévenir devraient être généralisés afin que les acteurs du sport prennent conscience de l’ampleur du phénomène et se sentent plus soutenus dans le processus de signalement officiel. L’objectif ultime est que le sport devienne un terrain fertile pour un développement personnel sain et non un lieu d’expériences traumatisantes justifiées par une course à la médaille.