Quelques mois avant sa mort, Ayrton Senna avait fait part à sa sœur Viviane de son intention de créer une fondation qui porterait son nom. De cette façon, il souhaitait venir en aide aux enfants démunis de son pays.

Après l'accident qui a coûté la vie à son frère, le 1er mai 1994 sur le circuit d'Imola, Viviane Senna a considéré que le drame ne devait pas remettre en cause les projets évoqués quelques semaines plus tôt. Au contraire. «Ayrton m'avait demandé de réfléchir à cette idée, mais rien de précis n'était arrêté. Il ne voulait pas simplement donner de l'argent, sans en contrôler l'utilisation», se souvient la sœur du champion. «J'étais très embarrassée car je ne savais vraiment pas dans quelle direction me diriger. En revanche, je savais que mon meilleur capital n'était pas l'argent, mais le nom de Senna.»

Soutien de Ron Dennis

La première contrainte a été d'ordre administratif. «Déposer les statuts d'une fondation au Brésil aurait pris des mois. Alors, avec l'aide de Ron Dennis (le patron de l'écurie McLaren), je l'ai fait en Angleterre en moins de quinze jours.» Au Brésil, la Fondation devient un institut, encore une fois pour des questions administratives. Échaudée par la lourdeur de la bureaucratie de son pays, Viviane Senna ne demande aucune aide gouvernementale, pour éviter toute récupération politique. Aujourd'hui encore, la Fondation Ayrton Senna est totalement autonome.

Sept ans après la disparition du pilote brésilien, les sceptiques qui voyaient dans ce projet un énorme business aux aboutissants un peu flous ont changé d'opinion. Le deuxième rapport d'activité de la Fondation pour les années 1999/2000 offre un bilan encourageant, même si Viviane Senna considère être encore loin de ses objectifs. L'année dernière, ce sont 288 000 enfants qui ont profité de l'aide de la fondation, soit près du double de l'année précédente, et dix fois plus qu'en 1995, première année complète de fonctionnement. «Mais six millions d'enfants de moins de 15 ans n'ont pas encore accès à une scolarité normale», déplore la sœur d'Ayrton, en énumérant des chiffres qui donnent une idée de l'ampleur de la tâche à accomplir. «Le Brésil est la dixième puissance économique mondiale, mais se retrouve au 74e rang pour ce qui est du développement humain et social, selon l'ONU. C'est à cette intolérable différence que s'attaque la Fondation.»

Depuis sa création, celle-ci a trouvé sa voie et son mode de fonctionnement. Ses membres ne se sont pas contentés d'aller chercher dans les favelas des grandes villes les enfants les plus défavorisés. Les coins les plus reculés du Nordeste et de l'Amazonie ont été visités, avec un projet éducatif, mais aussi d'accès au service de santé, et un programme de nutrition. «Chaque enfant possède un potentiel pour s'épanouir dans un domaine qu'il ignore le plus souvent. La Fondation s'est donné pour but d'offrir aux enfants l'opportunité de découvrir ses envies et ensuite de leur donner les moyens de s'épanouir. D'abord nous encourageons l'envie, puis nous faisons en sorte que le potentiel devienne réalité.» Viviane Senna a également voulu éviter le piège de ne favoriser que les vocations sportives. Le programme éducatif mis en place encourage aussi ceux qui s'orientent vers la science, l'informatique, l'art, les métiers de la communication, l'environnement ou n'importe quelle autre activité.

La fondation peut mener à bien ses travaux grâce aux énormes sommes d'argent générées par les accords commerciaux avec près de 70 sociétés à travers le monde. Celles-ci utilisent la mascotte Senniha (un petit personnage de bande dessinée imaginé par Ayrton) ou la marque Senna pour vanter leurs produits. Un pourcentage de leurs bénéfices est reversé à la fondation, qui tire également d'importants revenus de ses produits sous licence Senna (bateau, moto, stylo, vélo, montre, etc.). L'année dernière, 7 millions de dollars (12 millions de francs suisses) ont été consacrés aux différents programmes éducatifs. Malgré la présence de 87 collaborateurs au sein de la fondation, le coût de fonctionnement (environ 500 000 dollars annuels) est stable depuis 1995. Sur la même période, 19 millions de dollars d'investissements sociaux et éducatifs ont été consentis.

Partenariat avec Audi

Une douzaine de grandes firmes sont également partenaires et généreux donateurs, à l'instar d'Audi, qui a choisi de financer un important programme d'éducation sportive. Les efforts de la fondation sont relayés par une multitude d'aides spontanées au Brésil. Une architecte de Recife a offert ses services pour rénover des locaux éducatifs jusque-là insalubres. Globo, le surpuissant groupe de télévision et de la communication brésilien, a mis ses moyens au service du site Internet de la fondation. L'Unesco soutient et finance une collection de livres pédagogiques. Aujourd'hui, pour Viviane Senna, les enfants aidés par la Fondation Ayrton Senna sont autant de victoires supplémentaires à mettre au

palmarès de son champion de frère.

Sur Internet: www.senna.com.br