Vivre sans football d’élite à sa porte
On craint d’avoir bientôt un cadavre de plus sur les bras: celui du Servette FC, club dix-sept fois champion de Suisse
Les cendres de Neuchâtel Xamax flottent encore dans l’air, et voilà qu’un autre foyer d’inquiétude vient empoisonner le PFRD (Paysage footballistique romand dévasté). Pour aller droit au but, on craint d’avoir bientôt un cadavre de plus sur les bras: celui du Servette FC, club dix-sept fois champion de Suisse, qui tremble pour sa peau. Sept ans après une première banqueroute, huit mois après la vague d’euphorie déclenchée par un retour parmi l’élite, c’est la douche froide. Après avoir promis des montagnes, le président Majid Pishyar bat de l’aile. «Money is not a problem», déclarait-il à son arrivée en 2008. «A l’aide!» implore-t-il aujourd’hui, marri de se voir si seul en ce miroir, manifestement peu disposé à régler les ardoises qui s’accumulent. Les plus optimistes se disent que voir Bulat Chagaev en prison incitera peut-être l’intéressé à chercher une issue plus favorable. Les autres redoutent le pire.
Reste une question: pourquoi? La Suisse n’est pas, et ne sera jamais, un pays de football. Ses clubs ne gagnent pas d’argent – il y a quelque chose de miraculeux lorsqu’ils n’en perdent pas. Pourquoi, alors, des hommes d’affaires de tout poil et d’horizons toujours renouvelés s’obstinent-ils à reprendre des navires qu’ils conduiront inéluctablement au naufrage? Premier élément de réponse: parce que la place est libre. Parce que le tissu économique romand ne peut – ou ne veut – plus s’investir dans cette galère. Parce que les autorités politiques ne peuvent que contempler les dégâts après coup.
Comment éviter ça? Faut-il interdire, comme en Allemagne, à tout investisseur étranger de devenir actionnaire majoritaire d’un club? Jusqu’à preuve du contraire, en Suisse romande, la greffe a toujours échoué. Faut-il exhorter la Ligue à renforcer ses garde-fous? Dès le moment où les dirigeants produisent de faux documents et froissent les lois, elle peut difficilement jouer à Scotland Yard.
Alors quid? Pourquoi ne parvient-on pas, de ce côté-ci de la Sarine, à emboîter le pas aux clubs suisses alémaniques, qui ont pendant ce temps-là l’intelligence de miser sur la continuité et la formation des jeunes talents, qui savent comment exploiter un stade?
En attendant la suite du feuilleton servettien, bien des questions demeurent mystères. Une certitude toutefois: si c’est pour voir ça, on peut aussi vivre sans football d’élite à sa porte. Et regarder les équipes les plus endettées du monde s’écharper en Ligue des champions. ö Page 2