Le référendum lancé par les syndicats et les associations de consommateurs contre la baisse des rentes du 2e pilier a connu un succès phénoménal. Plus de 200’000 signatures – alors qu’il en fallait 50’000 – ont été remises à la Chancellerie fédérale. On va donc voter, soit en novembre, soit, ce qui paraît plus vraisemblable, au début de l’année prochaine.
Le nombre particulièrement élevé de paraphes récoltés est le fruit des efforts conjugués par plusieurs milieux. Selon les informations communiquées mercredi, le syndicat Unia a réuni à lui seul un tiers de ces signatures. Les magazines de consommateurs K-Tipp, saldo, Bon à Savoir et son petit frère Tout Compte Fait ont apporté un deuxième tiers. D’autres organisations, notamment l’Avivo et le Parti socialiste, se sont chargées du tiers restant.
Voilà qui constitue une alliance aussi solide que large, ce qui laisse présager d’une campagne très difficile pour le Conseil fédéral lorsque celui-ci aura fixé la date du scrutin. Les consommateurs, les retraités, les syndicats, l’ensemble de la gauche refusent d’abaisser les rentes du 2e pilier. A l’opposé, la droite politique et économique plaide pour cette mesure.
Dans un communiqué publié mercredi, l’Union suisse des arts et métiers (USAM) a déclaré que, selon elle, «les syndicats se livrent à un jeu très risqué» en la combattant. Elle se range sur la même ligne que l’Association suisse d’assurance, qui estime indispensable de baisser une nouvelle fois la rémunération des rentes du 2e pilier afin de faire face à l’avenir. «Si on laisse le taux de conversion minimal au niveau actuel, les revenus d’investissement nécessaires se réaliseront au mieux avec des placements hautement spéculatifs», avertit l’USAM. Elle invoque «les déficits massifs» enregistrés par les caisses de prévoyance en 2008 pour justifier la réduction des charges. Le Parti socialiste empoigne le problème par l’autre bout. A ses yeux, la mesure proposée équivaut à une diminution des rentes de 10% et constitue «une attaque sans précédent contre le pouvoir d’achat des rentières et des rentiers».
De quoi s’agit-il concrètement? Le taux de conversion est l’instrument utilisé pour calculer la rémunération des capitaux du 2e pilier. Il a longtemps été fixé à 7,2%, ce qui signifiait qu’un capital de 100’000 francs donnait droit à un rendement annuel de 7200 francs. Dans une première étape, le parlement et le Conseil fédéral ont décidé de l’abaisser à 6,8% d’ici à 2014. A cette date, le même capital de 100’000 francs dégagera ainsi une rente de 6400 francs, soit 800 francs de moins. Ce processus est en cours. Pour l’année 2009, le taux de conversion est de 7,05% pour les hommes et de 7% pour les femmes.
Les assureurs, les institutions de prévoyance, le Conseil fédéral et la majorité du parlement ont estimé que cette baisse était trop lente et ne tenait pas suffisamment compte des possibilités de rendement des placements et du vieillissement de la population. Ils ont décidé d’accélérer la cadence et de précipiter la baisse du taux de conversion afin de le porter à 6,4% d’ici à 2015.
Dans le contexte de crise économique, l’issue du scrutin sera très incertaine. D’un côté, la gauche plaidera pour qu’on ne prive pas les rentiers d’une partie de leur revenu. De l’autre, la droite dira que le moment n’est pas venu d’affaiblir encore davantage des caisses de pension qui se trouvent déjà dans une situation difficile. La tâche de Pascal Couchepin, si c’est encore lui qui dirige le département de l’Intérieur au moment du scrutin, s’annonce particulièrement ardue.