Elles s’appellent Vich, Vallorbe, Mézières, Lully, Gland ou encore Bière. Aujourd’hui, une quinzaine de communes du canton de Vaud sont couvertes en 5G par Sunrise. L’opérateur, qui se vante à travers une campagne de publicité massive d’être le premier à proposer cette technologie en Suisse, voit depuis mardi ses plans contrecarrés. Le canton de Vaud a décidé de «retenir les dossiers relatifs aux antennes 5G dans l’attente des directives techniques de la Confédération». Cette décision, qui affecte bien entendu aussi les projets de Swisscom et de Salt, s’assimile à un moratoire. Une décision qui risque de faire boule de neige dans d’autres cantons romands.

Comme à Genève et en Valais notamment, les Verts ont demandé au canton de Vaud un moratoire sur la construction des antennes 5G. Dans une résolution cosignée par 28 membres du Grand Conseil, le Vert Raphaël Mahaim rappelle que la 5G «fait l’objet d’avertissements de scientifiques de renom, à l’image de la Fédération des médecins suisses». Le texte relève que «l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) a diligenté une étude complète sur le phénomène, étude dont les résultats ne sont pas encore connus.» Du coup, la résolution exige qu’«un moratoire sur l’installation d’antennes 5G soit prononcé, cela au moins jusqu’à ce que les conclusions de l’étude de l’OFEV en cours soient connues».

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Attendre cet été

Acceptée mardi par le Grand Conseil par 95 voix contre 9 et 25 abstentions, la résolution a reçu le soutien du Conseil d’Etat pour ce qui s’assimilait en milieu de journée à un moratoire. Toutefois, l’exécutif a ensuite précisé qu’il ne s’agissait pas de cela, mais d’une rétention de dossiers: «Le Conseil d’Etat […] est préoccupé face à la démarche hâtive empruntée par le Conseil fédéral visant à changer les normes sans attendre les résultats de cette analyse complète.»

En clair, le Département du territoire et de l’environnement, dirigé par Jacqueline de Quattro, veut que l’OFEV rende son rapport avant que les limites concernant le rayonnement non ionisant soient éventuellement changées. Or tous les rapports commandés par l’OFEV seront publiés a priori en même temps, cet été. Contacté mardi, l’office précisait: «Dépourvu de pouvoir décisionnel, le mandat du groupe de travail se limite à la présentation, d’ici à l’été 2019, d’un rapport comprenant des recommandations sur la suite des travaux.»

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Vaud choisit donc un vrai faux moratoire. Selon la RTS, Neuchâtel emprunte la même voie et il est tout à fait possible que Genève et le Valais, sous la pression de plusieurs politiciens locaux, fassent de même ces prochains jours. A l’étranger, la ville de Bruxelles a récemment pris une telle décision.

Le temps de la réflexion

Pour Raphaël Mahaim, ce moratoire qui ne disait pas son nom mardi est considéré comme une victoire: «J’espère désormais que les autorités prendront le temps de la réflexion avant d’autoriser la 5G. Il faut aussi que les opérateurs planifient de manière coordonnée l’extension de leurs réseaux. Et je souhaite aussi que les communes aient davantage leur mot à dire lors de mises à l’enquête d’antennes.» Mais désormais, même un feu vert au niveau communal ne suffira pas, les autorités cantonales se refusant à examiner les dossiers de nouveaux émetteurs 5G.

La décision vaudoise n’est pas du tout du goût des opérateurs. «N’oubliez pas que les fréquences utilisées ces prochaines années par la 5G sont extrêmement proches de celles de la 3G et de la 4G, rappelle un porte-parole de Swisscom. Les peurs liées à cette technologie sont infondées, car il n’a jamais été démontré que l’utilisation de ces fréquences était dangereuse.» Swisscom explique aussi que les antennes 5G qu’il installe – il en a une en test dans le canton de Vaud, sur le site de l’EPFL – respectent les valeurs limites actuelles.

Sunrise va se battre

Sunrise veut montrer qu’il ne se laisse pas impressionner par la décision vaudoise: «Nous exploitons la 5G conformément à la réglementation en vigueur et donc également dans le respect de toutes les valeurs limites, explique un porte-parole. Si un permis de construire nous est refusé arbitrairement dans le cadre d’une procédure d’autorisation, nous le ferons évaluer légalement.» L’opérateur va donc se battre, en justice s’il le faut, pour développer son réseau 5G.

Il rappelle par ailleurs que cette technologie dépasse l’intérêt des opérateurs. «Le Conseil fédéral veut que la Suisse exploite au mieux les possibilités offertes par la numérisation. Le 5 septembre 2018, il a adopté sa stratégie «Suisse numérique» pour les deux prochaines années et considère la 5G comme un moteur essentiel de la numérisation.» Sous-entendu: si les oppositions à la 5G doivent se multiplier, il est possible que le développement du pays et sa prospérité économique viennent à en souffrir.