Le chancelier de Bâle-Ville ne comprend pas la question. «Pourquoi commémorer encore, 650 ans plus tard, le tremblement de terre qui a détruit Bâle? Mais chaque enfant ici connaît la date de 1356», dit Robert Heuss. Le canton organise mercredi soir à la cathédrale une cérémonie du souvenir ouverte à la population. La présidente du gouvernement, la socialiste Barbara Schneider, y prononcera l'allocution officielle. «Le séisme du 18 octobre 1356 a provoqué une telle césure dans l'histoire de la ville qu'il est encore très présent dans les consciences», précise Robert Heuss.

Le député radical Bruno Mazzatti, membre du bureau du Grand conseil, confirme. Il se rendra à la cathédrale à l'issue de la séance du parlement mercredi, un bâtiment qui porte en creux les traces du séisme, une tour à l'extérieur du chœur n'ayant jamais été reconstruite. «Il ne s'agit pas d'attiser la peur, mais le tremblement de terre fait partie de notre histoire», dit Bruno Mazzatti. Pour son collègue socialiste Roland Stark, «une telle commémoration a un sens, elle rappelle que la nature reste la plus forte».

Magnitude de 6,2 à 6,7

La catastrophe de 1356 est considérée comme la secousse la plus forte jamais enregistrée au nord des Alpes. Les sismologues estiment aujourd'hui qu'elle a atteint une magnitude de 6,2 à 6,7 sur l'échelle de Richter, l'équivalent de celle de Kobe en 1995, qui a coûté la vie à 6000 personnes. A Bâle, dans la nuit du 18 au 19 octobre, le nombre des victimes est bien plus bas. Une centaine de morts pour une population de 7000 personnes, selon les dernières recherches. Des premières secousses, moins fortes, ont permis à la population de fuir hors des murs. Le feu qui a pris dans les décombres a fait plus de dégâts que le cataclysme lui-même. La ville et une partie des faubourgs ont été presque rasés.

Reconstruction exemplaire

«Commémorer une catastrophe est toujours problématique [...] Et personne ne peut être tenu responsable d'un tremblement de terre, tout au plus des réactions inadéquates qui suivent. Or le cas de Bâle montre de manière impressionnante comment la population, bien dirigée, s'est remise rapidement du choc et a travaillé à la reconstruction. Cela mérite que l'on s'y intéresse», écrit l'historien bâlois Werner Meyer dans le livre qu'il vient de consacrer à l'événement*. En effet, huit mois après le cataclysme, la ville était à nouveau habitable. Et six ans plus tard, la ville avait remboursé toutes ses dettes.

Le 650e anniversaire du séisme n'a pas seulement inspiré les historiens. Mardi soir a lieu la première de la comédie musicale Basileia, dont l'action culmine en 1356. Le livret est dû à un pasteur peu conventionnel, Bruno Waldvogel-Frei, qui a lié dans une histoire d'amour la peste et les persécutions des juifs qui ont précédé le tremblement de terre. L'auteur allemand de romans historiques à succès Titus Müller en a même tiré un livre qui vient de paraître et se vend très bien à Bâle. Et, dans un enchaînement presque parfait, le même Titus Müller a écrit le scénario de la bande dessinée Basileia, réalisée par le Bâlois Roloff, alias Rolf Meier, dont les planches sortent de presse pour le 18 octobre.

Plus prosaïquement, l'Union des arts et métiers de Bâle-Ville, associée aux assureurs suisses et au Service suisse des tremblements de terre, profite de l'occasion pour relancer l'idée d'une assurance contre les séismes. Clou de la conférence nationale qu'elle organise mercredi sur le sujet, un film de 20 minutes commandé au réalisateur Benny Fasnacht. Intitulé Bâle tremble, il montre de manière fort réaliste une simulation des destructions qu'un cataclysme comparable à celui de 1356 infligerait aujourd'hui à la ville. Espérons que cela ne réveille pas les forces de la nature.

*Werner Meyer, Das Basler Erdbeben von 1356, Schwabe Verlag, 2006. Basileia, du 17 octobre au 3 novembre, http://www.musicalbasileia.com