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Absences des élèves: l'école romande ne veut pas de «jokers»

En Suisse alémanique, des écoliers peuvent profiter d’un à trois jours d’absence sans justification par année. Les parents y recourent pour partie en vacances plus tôt ou revenir plus tard. Dans la partie francophone, ces journées «joker» sont une hérésie

Une quinzaine de cantons en Suisse alémanique permettent aux parents de retirer leur enfant de l’école primaire ou secondaire, sans motif valable, à raison d’un à trois jours par année. — © Keystone
Une quinzaine de cantons en Suisse alémanique permettent aux parents de retirer leur enfant de l’école primaire ou secondaire, sans motif valable, à raison d’un à trois jours par année. — © Keystone

Bien que les vacances de votre enfant ne commencent que samedi, vous avez convenu de partir jeudi pour bénéficier d’un vol bon marché? Cette absence, non autorisée par l’établissement scolaire, pourrait vous coûter jusqu’à 1200 francs d’amende à Genève ou 5000 francs à Fribourg, en cas de récidive.

Les familles zurichoises n’ont pas eu à endosser ce risque à la veille des vacances d’automne: chaque écolier est autorisé à prendre deux journées de congé par année, sans aucune justification. «Les parents n’ont pas besoin d’obtenir l’approbation de l’école. Ces journées «Joker» peuvent être prises n’importe quand», précise le service juridique du Département de l’instruction publique. Et l’enseignant peut être averti «à la dernière minute», ajoute-t-il.

En ce début d’année scolaire, le canton a dû rappeler à l’ordre plusieurs communes trop restrictives. Herrliberg a été ainsi épinglée pour avoir interdit à un père de quitter le pays avec son fils avant la fin des cours. Les réactions outrées d’anciens enseignants qualifiant ces journées de «Joke-tage» n’y ont rien fait. Les établissements sont tenus de supprimer les restrictions qu’ils ont coutume de poser, avant et après les vacances. Seule exception: les écoles peuvent interdire les absences lors d’événements spéciaux (course d’école, journée sportive, cérémonie de promotion).

Une quinzaine de cantons proposent des «jokers»

Cette pratique libérale est loin d’être singulière en Suisse alémanique. Une quinzaine de cantons permettent aux parents de retirer leur enfant de l’école primaire ou secondaire, sans motif valable, à raison d’un à trois jours par année, selon un rapport de la CDIP daté du mois d’août.

La Thurgovie a décidé de suivre le mouvement: elle révise cette année sa législation pour y introduire deux congés non justifiés par année. À Zürich, une initiative individuelle a été déposée en mai pour demander que les Jokertage soient offerts également aux gymnasiens, «à l’instar d’autres cantons alémaniques, souligne l’enseignant Beat Brunner. Les étudiants n’ont quasiment aucune possibilité de participer à des événements extrascolaires, qui peuvent être personnellement très importants.» La loi actuelle «pousse les parents à signer de fausses excuses», dénonce l’auteur de cette requête qui n’a pas encore été traitée au parlement cantonal.Le Jura a lui aussi changé son ordonnance en 2010. Chaque élève peut bénéficier, sans justification, de deux demi-journées de congé par année au cours de sa scolarité obligatoire.

Moins de la moitié des élèves utilisent ces congés

«Ces Jokertage ne chamboulent pas l’école», relativise Rosmarie Quadranti-Stahel, présidente des autorités scolaires de Volketswil à Zürich. Sa commune a dû modifier fin septembre son règlement pour raccourcir le délai d’annonce: les parents peuvent désormais avertir l’enseignant la veille.

«À l’école primaire, moins de la moitié des enfants utilisent ces journées. Au niveau secondaire, ils sont légèrement plus nombreux. Mais cela ne pose pas davantage de problèmes que des absences pour cause de maladie. Et cela réduit les demandes formelles de congé, ce qui soulage l’administration scolaire», argumente-t-elle. Si aucune statistique cantonale n’existe, la commune de Kilchberg donne des chiffres guère différents. À peine un tiers des écoliers du secondaire en profitent, selon son directeur interviewé par le Zürichsee-Zeitung.

«L’école n’est pas facultative»

Les congés non justifiés, une solution qui soulage tant les parents que les écoles? Aucun canton romand – excepté le Jura – ne veut en entendre parler. «Les Jokertage ne sont pas du tout à l’ordre du jour», note Pierre-Antoine Preti, porte-parole du DIP à Genève. «Nous considérons que l’école n’est pas facultative.» Même son de cloche du côté de Vaud ou du Valais, qui «souhaitent que le plan de scolarité soit respecté». Fribourg a déclaré également la guerre aux congés de convenance. «Nous avons une politique très stricte», souligne Marianne Meyer Genilloud, conseillère scientifique à la direction de l’instruction publique. Et les arrêts du Tribunal cantonal douchent tout espoir des parents.