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Accès aux HEP facilité, motivations des enseignants: le parlement face à la pénurie de profs

Il devrait manquer environ 10 000 enseignants en Suisse dans les dix prochaines années, selon un rapport de l’Office fédéral de la statistique. Un problème sur lequel se penche ce jeudi le Conseil national

Image d'illustration. La Suisse alémanique a été confrontée en septembre dernier à une pénurie d'enseignants.  — © LAURENT GILLIERON / KEYSTONE
Image d'illustration. La Suisse alémanique a été confrontée en septembre dernier à une pénurie d'enseignants. — © LAURENT GILLIERON / KEYSTONE

Embaucher des personnes non diplômées par manque d’enseignants: la pénurie qui touche le secteur de l’éducation a obligé certaines écoles alémaniques à procéder de la sorte l’automne dernier. Le problème pourrait dans le futur s’étendre à la Suisse romande. Environ 10 000 enseignants du niveau primaire pourraient venir à manquer sur les dix prochaines années en Suisse, selon un rapport de l’Office fédéral de la statistique (OFS) diffusé en automne dernier. Il faudrait recruter entre 43 000 et 47 000 nouveaux enseignants du degré primaire entre 2022 et 2031 pour répondre aux besoins. Pour le moment, l’OFS estime à 34 000 le nombre de titres qui seront délivrés pour le primaire durant cette même période.

La question a creusé son chemin jusqu’à la Commission de l’éducation du Conseil national, qui a déposé trois postulats et une motion. Une majorité de la commission propose de supprimer l’examen d’entrée en Haute école pédagogique (HEP) pour les élèves issus de la maturité professionnelle par le biais d’une motion, comme solution concrète à la pénurie des enseignants. «On améliore ainsi la perméabilité et l’attractivité des formations et maturités professionnelles», soutient le Vert Fabien Fivaz, président de la commission. Une minorité des élus estiment que le parlement ne peut pas prendre seul cette décision, en raison des compétences partagées entre la Confédération et les cantons. Ils estiment aussi que les maturants n’ont pas les connaissances nécessaires pour accéder directement à la formation. «Tout le monde estime par contre que la question mérite d’être étudiée et soutient le postulat de la commission qui demande plus ou moins la même chose», explique Fabien Fivaz.

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La Chambre des hautes écoles pédagogiques au sein de Swissuniversities s’est d’ores et déjà positionnée contre la motion. «Il existe des passerelles pour accéder à cette formation», souligne Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud. «Accroître le nombre d’inscrits ne signifie pas qu’il y aura plus de diplômés. L’examen permet de préparer les élèves à la formation, déjà très dense. S’il est supprimé, les lacunes devront être comblées par l’ajout de formations complémentaires. Le métier doit être accessible à tous, mais avec un certain niveau de connaissances», poursuit-il. Un avis partagé par David Rey, président du Syndicat des enseignants romands: «Si l’examen est supprimé, à quel moment les étudiants vont-ils acquérir les compétences nécessaires dans les disciplines fondamentales? Cette proposition pose plus de problèmes qu’elle n’amène de solutions. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, ce sont des données pour comprendre pourquoi les enseignants quittent leur travail», avance-t-il.

Lancer une étude

Justement, la Commission de l’éducation veut charger le Conseil fédéral de collecter des données. «Elle souhaite une étude sur les raisons qui conduisent le personnel enseignant à quitter la profession, et sur l’impact des réformes scolaires sur leur travail», précise Fabien Fivaz. Une minorité propose de rejeter les deux postulats, estimant que ces problématiques sont cantonales.

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Une enquête qualitative serait bienvenue, estime Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud. «Nous avons vu le rapport inquiétant de l’OFS. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Nous savons toutefois peu sur les motivations des enseignants à partir, ou à revenir dans la profession.» Pour les garder, il faut revaloriser le métier, estiment nos interlocuteurs. «Il faut maintenir les possibilités d’évoluer dans une carrière de professeur, d’accéder à des formations continues, donner la possibilité de travailler en équipes, de se développer», énumère Thierry Dias. La HEP prépare un nouveau projet d’étude permettant aux futurs professeurs d’enseigner dans quatre branches au secondaire I, contre deux branches actuellement: «Une manière de diversifier le métier et le rendre plus attractif», commente-t-il.

Faire évoluer le métier

«En Suisse romande, nous avons pour l’instant évité l’embauche de personnes non formées, en rappelant des enseignants à la retraite, ou avec des binômes d’étudiants en pédagogie supervisés par un mentor. Le rapport de l’OFS a créé une prise de conscience dans les cantons. Certains secteurs, comme l’enseignement spécialisé, sont particulièrement sous-dotés alors qu’ils sont de plus en plus sollicités. Les conditions-cadres de travail doivent être en phase avec la société: il s’agit par exemple d’offrir la possibilité de travailler à temps partiel», souligne David Rey.

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