Alors que le séisme a déjà fait plus de 20 000 morts en Turquie et en Syrie, et que plusieurs centaines de milliers de civils se retrouvent désormais sans-abri, se pose la question de l’aide humanitaire et du relogement.

Selon le Blick, Elisabeth Baume-Schneider souhaiterait venir en aide aux familles turques victime du séisme. Comme l’avait fait sa prédécesseur Simonetta Sommaruga en 2013, lorsque des milliers de personnes avaient dû fuir la Syrie à cause de la guerre, la conseillère fédérale jurassienne désire que n’importe qui ayant de la famille en Suisse puisse venir temporairement dans notre pays.

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Mais tout le monde n’est pas du même avis. C’est notamment le cas du conseiller national UDC Jean-Luc Addor qui estime que la priorité est ailleurs. «La première urgence c’est l’aide sur place. L’effort principal de la Suisse devrait être de reloger ces gens-là chez eux. La proposition de Madame Baume Schneider qui agit depuis son bureau à Berne ne correspond pas forcément à leurs besoins. Qui vous dit que leur volonté est de rejoindre la Suisse et non pas de rester dans leur pays?», se demande le politicien valaisan.

Le retour des réinstallations?

Comme le révèle le quotidien alémanique, la conseillère fédérale socialiste souhaite créer des visas spéciaux, reprenant ce dossier là où Simonetta Sommaruga l’avait laissé. C’est en effet elle qui avait relancé la tradition humanitaire de la Suisse en 2013 avec la reprise des «réinstallations». Ce principe permettait à des personnes particulièrement vulnérables de pouvoir s’installer en Suisse de manière facilitée. Dans le cas de ce séisme, il se pourrait que seules les personnes turques pouvant séjourner dans leur famille en Suisse soient autorisées à entrer dans le pays, la situation sur le plan de l’asile étant déjà extrêmement tendue.

Jean-Luc Addor relève justement ce point. «La situation actuelle sur le front de l’asile est extrêmement tendue car nous avons déjà beaucoup de réfugiés ukrainiens. Je n’ai aucun chiffre pour vous dire que la barque est pleine mais le Conseil fédéral vient d’engager l’armée en raison du dépassement des capacités d’accueil dans notre pays, commente-t-il. L’idée d’Elisabeth Baume-Schneider aurait comme conséquence un afflux massif de réfugiés turcs ou syriens qui resteraient chez nous et qui ne s’intégreraient pas facilement. À mon sens c’est inacceptable.»

Quant à la question de l’urgence au relogement liée aux conditions glaciales qui sévissent actuellement au sud de l’Europe, le conseiller national UDC estime que «si des gens sont hébergés dans des conditions correctes, ils ne décéderont pas de froid.» Il ajoute encore que «la Suisse peut débloquer des fonds publics pour intervenir sur place», mais qu’elle n’est pas seule. «Certains pays qui nous entourent ont l’air très pressé d’envoyer des chars et des avions en Ukraine. Ils devraient peut-être revoir leurs priorités», poursuit le Valaisan.

«Réaction émotionnelle»

Même son de cloche pour Damien Cottier, président du groupe PLR. «Des gens qui ont subi une catastrophe naturelle n’ont pas le droit à un statut de réfugié contrairement aux réfugiés ukrainiens qui fuyaient la guerre, analyse-t-il. J’ai l’impression que c’est une mauvaise idée car les gens ont besoin d’être sur place. Si quelques cas ont besoin d’être rapatriés en Suisse pour des soins spécifiques qu’on ne peut assurer sur place je ne suis pas contre. Mais il faut que ce soit ponctuel.»

Le Neuchâtelois considère que si des personnes peuvent venir en Suisse parce qu’elles ont de la famille, le cadre légal n’est alors plus respecté. «C’est une réaction un peu émotionnelle que je peux comprendre car nous sommes tous émus par ce qui s’est passé. Mais c’est sur place qu’il faut aider. Au vu de la population turque en Suisse, la venue de personnes affectées en provenance des régions touchées par le séisme pourrait vite représenter beaucoup de monde», juge Damien Cottier.

Près de 7 millions de dons

D’autres voix se sont également fait entendre dans le pays. A l’image du conseiller national socialiste bâlois Mustafa Atici qui réclame, dans le Blick romand, une plus grande mobilisation suite au drame qui a déjà fait plus de 20 000 morts. «Au vu de la crise et de l’hiver, j’attends que les personnes touchées puissent trouver une protection temporaire auprès de leurs proches en Suisse», a lancé le politicien sur Twitter.

Contactée par Le Temps, l’écologiste Isabelle Pasquier-Eichenberger se dit «très favorable à la fois à l’usage de visa simplifié type permis S, et également à la procédure de réinstallation.» Elle ajoute: «C’est un drame majeur qui s’est en plus déroulé en plein hiver dans une région où la population, notamment des réfugiés de guerre, vit déjà dans des conditions défavorables. Nous sommes un pays des droits de l’homme humanitaires et il est important qu’on envoie un signal fort, le plus rapidement possible.» Pour les Vert·e·s, ces mesures doivent être accordées à la population turque, mais aussi syrienne et autres, vivant dans cette région qui a été dévastée.

Aucune indication officielle

Alors que la Confédération n’a pour le moment pas donné davantage d’indications sur les mesures qu’elle souhaitait prendre à la suite de ce séisme, difficile de savoir s’il faut s’attendre à une vague de réfugiés en provenance de la Turquie. Selon Recep Tayyip Erdogan, plusieurs centaines de milliers de civils se retrouvent désormais sans-abri. Et la Syrie, pays voisin, n’est pas en mesure de leur venir en aide, elle aussi touchée par ce drame.

Une chose est sûre, la Suisse participera au financement de l’aide humanitaire. La Chaîne du Bonheur a déjà récolté plus de 6,9 millions de francs de dons qui seront à la fois utilisés pour les besoins de première nécessité, mais aussi pour la reconstruction du pays.