Rega, TCS et Air-Glaciers, le cocktail explosif. Rien ne va plus dans le domaine du sauvetage aérien. Le Touring Club Suisse (TCS) et Air-Glaciers reprochent à la Garde aérienne suisse de sauvetage (Rega) d’être peu partageuse, de ne faire appel qu’à ses propres hélicoptères dans le seul but de garder le monopole sur l’ensemble du territoire. La Rega, elle, rétorque, en jugeant «absurde» de vouloir toujours faire intervenir l’hélicoptère le plus proche en cas d’accident, sans tenir compte d’autres critères.

L’affaire s’enflamme. Et passionne la presse alémanique depuis plusieurs jours, suite à de récents incidents. Point de départ de la brouille: le système d’alarme en vigueur. La Rega – 2,445 millions de donateurs qui couvrent 60% du budget et 10 250 interventions avec ses 17 hélicoptères en 2012 – est en règle générale appelée via le numéro d’urgence 144 ou directement par le 1414. Et se charge en principe elle-même des interventions. Elle exploite une centrale d’alarme qui couvre toute la Suisse et entretient son propre réseau de communication par radio, une permanence qui représente sa plus importance charge financière, couverte par les dons.

Les tensions avec le TCS remontent à 2010. Cette année-là, le TCS a décidé de ne plus faire appel à la Rega pour ses rapatriements, en raison de ses tarifs. Il préfère s’associer à l’Alpine Air Ambulance (AAA), qu’il possède à 49%. C’est en 2012 que le TCS ouvre une base de sauvetage aérien, à Birrfeld, dans le canton d’Argovie. Une concurrence directe pour la Rega, qui jusqu’ici gérait seule les sauvetages aériens sur l’ensemble du territoire suisse, sauf en Valais où sévissent Air-Glaciers et Air Zermatt.

«Profiter des dons»

En mars dernier, un accident routier dans le canton d’Argovie, qui s’est soldé par la mort d’un garçon, a ravivé le conflit. La Rega est avertie à travers le 144. Elle envoie un de ses hélicoptères depuis Bâle, alors que celui du TCS se situe plus près du lieu du drame. Le TCS accuse la Rega de privilégier sa position de monopole par rapport à l’intérêt des patients. Les critiques pleuvent.

Même Franz Steinegger, membre du conseil de fondation de la Rega, s’en mêle. Dans le Bund et le Tages-Anzeiger, il taxe le TCS de «profiteur». Le TCS refuse d’assumer les coûts énormes qu’implique une centrale d’alarme permanente sur tout le territoire suisse, accuse-t-il, et veut seulement pouvoir être appelé et profiter ainsi indirectement des dons versés à la Rega. «Cela revient à profiter indûment de la situation», critique l’ex-conseiller national PLR uranais.

Contre la commercialisation

Il n’en reste pas là. Il pointe aussi du doigt l’état de l’hélicoptère du TCS. «On peut toujours acheter un vieil hélicoptère. Peint en jaune, il a alors l’air tout à fait passable.» Le 18 juillet, les autorités argoviennes donnent raison au TCS, qui devient prioritaire sur les interventions dans le canton. La Rega doit s’en accommoder.

Hasard du calendrier, c’est le lendemain de cette décision que survient le deuxième incident. A propos d’un transfert urgent d’un patient de l’Hôpital d’Interlaken (BE) vers celui de l’Ile, à Berne. La Rega mobilise un hélicoptère depuis Lausanne, alors qu’Air-Glaciers dispose d’une base à Lauterbrunnen. De nouveau, la Rega est accusée de vouloir détenir à tout prix le monopole, alors qu’un autre hélicoptère aurait pu intervenir plus rapidement. La Rega réagit. Dès la mi-août, sa centrale ne s’occupera plus des appels d’urgence en provenance du canton de Berne. Ce sera désormais la centrale d’alarme sanitaire du canton qui décidera quelle compagnie est chargée d’intervenir.

«La Rega intervient dans l’intérêt des patients et de l’ensemble de la population suisse et se positionne clairement contre une commercialisation du sauvetage aérien», commente aujourd’hui Stéphanie Carruzzo, chargée de la communication pour la Rega. «Le sauvetage aérien n’est pas un marché; une commercialisation de ce dernier induit une hausse des coûts et une baisse en termes de qualité, le tout au détriment des patients», ajoute-t-elle. Si la Rega ne collabore aujourd’hui plus avec le TCS, «elle est toutefois prête à faire appel à l’hélicoptère du TCS, sous réserve que ce dernier remplisse les exigences nécessaires à une intégration dans le dispositif de la Rega», annonce-t-elle. «La décision de la Rega de ne plus avoir recours à l’hélicoptère d’Air-Glaciers dans l’Oberland bernois est aussi liée à une réflexion en matière de sécurité et tend à calmer la situation actuelle, tendue. Des discussions avec les autorités bernoises sont d’ailleurs prévues», précise encore Stéphanie Carruzzo. Avec Air Zermatt en revanche, tout va pour le mieux.

Pas une activité lucrative

La réputation de la Rega, «qui remplit sa mission de manière professionnelle depuis plus de 60 ans», fait des envieux, commente la porte-parole. Alors que le sauvetage aérien n’est pas une activité lucrative: «une minute de vol facturée en moyenne à 89 francs aux assurances a un coût réel de près de 200 francs». Elle conclut: «Si un prestataire est prêt à amener sa contribution à la prise en charge médicale d’urgence, nous lui souhaitons la bienvenue.»