L’affaire du vol des données de clients auprès de la filiale genevoise de la banque britannique a éclaté au début de 2009. Elle a rapidement pris la dimension d’une affaire d’Etat entre la Suisse et la France, les autorités françaises s’étant montrées déterminées, contre la volonté du gouvernement suisse, à utiliser les données volées à des fins fiscales.
Selon la porte-parole du Ministère public de la Confédération, Jeannette Balmer, le parquet fédéral avait requis de la France une copie «forensique» des données saisies en France, soit une image d’un disque dur ne pouvant être modifiée. La réponse a tardé à venir. «Suite à plusieurs rappels, le MPC a finalement obtenu, après plus d’une année, contrairement à la pratique en matière d’investigation criminelle en milieu informatique, une simple copie des disques durs saisis, sans empreinte numérique permettant d’attester l’intégrité des données.»
Ce matériel a ensuite été examiné par les techniciens de la police judiciaire fédérale. «L’analyse a démontré que des données avaient été modifiées puisqu’il existait des différences entre le contenu des divers fichiers transmis par les autorités françaises, alors qu’ils auraient dû être en tous points semblables», explique la porte-parole.
Le MPC ne précise pas quels éléments ont pu être modifiés, mais affirme que cela n’affecte pas la procédure pénale en cours en Suisse. Car celle-ci vise uniquement à établir «l’existence, la provenance et la nature des données et non leur contenu».
En France en revanche, les interrogations sont nombreuses. Qui avait intérêt à intervenir sur les fichiers réclamés par les Suisses? Des noms ont-ils été supprimés des listes, et pourquoi? «Je resterais prudent sur les hypothèses, d’autant plus que le moment de la révélation pourrait ne pas être dû au hasard», explique une source au fait du dossier en France, faisant allusion au second tour de l’élection présidentielle ce dimanche. Selon une autre source, les Français ont pu vouloir supprimer des noms de personnes sur lesquelles ils entendaient enquêter eux-mêmes ou qu’au contraire ils préféraient faire échapper à toute poursuite.
Ressortissant français, Hervé Falciani a profité de n’avoir pas été arrêté immédiatement pour quitter la Suisse et se rendre en France, où il réside encore à ce jour. En Suisse, l’enquête du MPC ouverte contre lui n’a toujours pas pu être conclue. La France n’extradant pas ses nationaux, le seul moyen de juger Hervé Falciani en Suisse est de le convaincre de se présenter volontairement devant ses juges. Selon plusieurs sources, la procédure simplifiée prévue par le nouveau code de procédure pénale pourrait offrir une issue, mais Hervé Falciani devrait reconnaître sa culpabilité pour en profiter. L’autre possibilité serait qu’il obtienne un sauf-conduit.
L’utilisation par les autorités françaises des fichiers dérobés auprès de HSBC a longtemps été source de conflits entre la Suisse et la France. Mais la justice de l’Hexagone vient de rendre une décision donnant rétrospectivement raison aux Suisses dans leur bras de fer avec le ministre français du Budget de l’époque, Eric Woerth. Dans un jugement rendu au mois de février, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a en effet invalidé une perquisition ordonnée auprès d’un contribuable français par les autorités fiscales au motif qu’elle reposait sur une information illégalement obtenue.
La France n’extradant pas ses nationaux, la Suisse devra trouver le moyen de le faire venir si elle veut le juger