Aide publique aux entreprises: l'exécutif jurassien refuse le combat
JURA
Les conditions d'octroi de l'aide opposent la gauche et la droite jurassiennes, ainsi que le parlement et le gouvernement
C'est peut-être une première en Suisse, si l'on fait exception du Conseil fédéral, qui s'était distancé de la loi sur le travail adoptée par les Chambres: le gouvernement jurassien ne défendra pas, devant le peuple le 24 septembre, la loi cantonale sur le développement économique votée par le parlement. Le ministre de l'Economie, Jean-François Roth, suivi par une courte majorité du gouvernement, refuse ainsi de croiser le fer avec la gauche, qui avait fait aboutir le référendum avec 3442 signatures, alors que 2000 sont nécessaires. (Le Temps du 17 mai et du 12 juillet).
Condtitions d'octroi au centre de la dispute
Au centre de la bisbille: les conditions d'octroi de l'aide publique aux entreprises. La gauche exige le respect des conventions collectives de travail. Elle aurait même souhaité subordonner l'aide de l'Etat à la signature d'une CCT, mais le Tribunal fédéral l'a déboutée. Pour faire un pas en direction du dessein socialiste, la majorité bourgeoise du parlement, sur proposition du gouvernement, a fait inscrire dans la loi que «le gouvernement incite les bénéficiaires de l'aide publique à respecter les CCT». «Insuffisant, a décrété le PS, il faut une mesure légale impérative.»
Constatant que «le compromis» du parlement ne donne pas satisfaction à la gauche qui a fait aboutir le référendum, le gouvernement dit n'avoir «plus aucune raison de soutenir la modification de la loi» et peut «se satisfaire» du texte actuel, qui prévoit que l'Etat «encourage» à respecter les accords conventionnels.
L'exécutif rappelle que sur le fond, il «estime normal que les entreprises bénéficiaires de l'aide publique respectent les CCT», mais il refuse une disposition légale «autoritaire». «Belle contradiction, dénonce Gilles Froidevaux, puisque le gouvernement se prive des moyens légaux de combattre le dumping salarial.» Le président du Parti socialiste jurassien se déchaîne contre la «mauvaise foi» gouvernementale et sa «volonté de fausser le processus démocratique». Les piques les plus virulentes sont adressées à Jean-François Roth, «à l'origine de cette manœuvre politicienne, qui tombe dans la malhonnêteté intellectuelle». Le PS étudie d'ailleurs la possibilité de recourir devant la Cour constitutionnelle contre un «gouvernement qui bafoue les décisions du parlement».
Jean-François Roth «couard»?
Gilles Froidevaux n'a pas de mots assez durs pour condamner la couardise du ministre de l'Economie. «Il a peur d'être désavoué par le peuple, sentant que même dans son parti, le PDC, il y a des soutiens à notre croisade.» Le président du PSJ précise que même s'il n'y a ni débat, ni contradicteur, «le résultat de la votation du 24 septembre sera un soutien à nos revendications».
Tout porte à croire que plus personne ne soutiendra la loi pourtant votée par plus de la moitié des députés. La droite refusera le combat. Privée de joutes, la gauche fera tout pour éviter que le dégagement en touche du gouvernement interrompe un match vieux de dix ans. «Pour trancher les conditions d'octroi de l'aide publique, ce qu'aurait dû faire le scrutin du 24 septembre, nous pourrions lancer une nouvelle initiative populaire», avertit Gilles Froidevaux.