Dans une interview publiée lundi sur le site de la Neue Zürcher Zeitung, le coprésident du Parti socialiste Cédric Wermuth «partage le souhait d’Alain Berset d’une fin de l’effusion de sang (en Ukraine), mais ni son analyse ni ses conclusions».

«Il n’y a actuellement aucune perspective pour des négociations», souligne-t-il. Le président russe Vladimir «Poutine a d’autres objectifs, c’est le seul obstacle à la paix», dénonce le conseiller national argovien.

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Selon lui, le gouvernement est «malheureusement peu cohérent». S’il s’oppose à la réexportation de munitions, il devrait au moins être à la pointe lorsqu’il s’agit des sanctions contre les oligarques, du commerce des matières premières, de la réduction de la dette de l’Ukraine et de l’aide humanitaire. Mais le Conseil fédéral «se cache partout derrière la neutralité».

Interrogé par la RTS, le chef du groupe socialiste aux Chambres fédérales Roger Nordmann estime pour sa part avoir «beaucoup de peine avec cette sorte de dialectique que des négociations seraient possibles actuellement». Selon lui, elles ne seraient possibles que si «M. Poutine se retirait ou au moins arrêtait l’agression».

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Se ranger «du côté du droit international»

Le président du PS ajoute que «l’idée que la Suisse se retire du monde n’est plus tenable, au moins depuis le 24 février 2022», appelant de ses vœux «une voie pragmatique». Pour lui, «la neutralité signifie que nous nous rangeons systématiquement du côté du droit international».

Interrogé sur le positionnement général du Parti socialiste, dont le programme officiel demande une abolition de l’armée en Suisse, Cedric Wermuth se défend de toute contradiction. Il évoque «une vision politique». L’élu argovien convient avoir changé depuis le début de la guerre. «Il y a des moments en politique où il devient presque impossible de nuancer», selon lui, même s’il «est toujours juste de poursuivre l’utopie d’un monde pacifique». Il réaffirme par ailleurs l’opposition de son parti à un trop grand rapprochement, voire une adhésion de la Suisse à l’OTAN.

«Frénésie guerrière»

Les élus socialistes réagissaient aux déclarations d’Alain Berset dans une interview dimanche à la NZZ am Sontag, où il avait dénoncé une «frénésie guerrière». «Et je suis très inquiet à ce sujet […] car ce sentiment repose sur une vision à court terme», avait ajouté le président de la Confédération. La position du Conseil fédéral est claire, selon lui: «Les armes suisses ne doivent pas être utilisées dans des guerres.»

«Je comprends et je respecte le fait que d’autres pays aient une autre position. Mais la position suisse doit également être respectée», avait noté le socialiste fribourgeois. «Dire simplement maintenant que la situation est différente, que la Suisse doit maintenant tout changer sans tenir compte de la base légale, ce n’est pas possible.»

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Alain Berset aussi critiqué à droite

Les déclarations d’Alain Berset suscitent également de vives critiques au sein de la droite. Dans le Blick, le chef du groupe du Centre au parlement Philipp Matthias Bregy les juge «inacceptables», et demande au conseiller fédéral «qu’il s’abstienne à l’avenir» de faire de tels commentaires, qu’il estime indignes d’un président de la Confédération. Dans le même journal, le président du PLR Thierry Burkart se dit lui «choqué»: «En parlant de "frénésie guerrière" et en ne faisant pas référence à la Russie, mais aux Etats occidentaux, Alain Berset justifie l’attaque de la Russie contre un Etat souverain.»

Une autre membre du gouvernement, Viola Amherd, s’est elle retrouvée sous le feu de la critique lundi, de la part de l’UDC, rapporte pour sa part le Tages-Anzeiger. Le parti reproche à la ministre de la Défense également des propos tenus au cours du week-end. S’exprimant devant la Société suisse des officiers, elle a déclaré être confrontée à l’incompréhension de ses partenaires européens. Alors qu’il existe à ses yeux une «marge de manœuvre» pour que la Suisse ne reste pas «les bras croisés» et que la position officielle de la Suisse sur la réexportation d’arme «n’aide pas». Pour certains membres de l’UDC, Viola Amherd a «violé de manière évidente le principe de collégialité» par ses déclarations.

Le quotidien zurichois affirme que la conseillère fédérale centriste, en se positionnant en faveur de la livraison indirecte de matériel militaire, «est isolée au sein du gouvernement». Et la NZZ, de son côté, note que «les dynamiques au parlement et au Conseil fédéral ne pourraient pas être plus différentes».