Du Kenya au reportage de guerre
Née à Francfort en 1967, Alexandra Karle grandit dans une famille de la classe moyenne allemande. Ses parents, dit-elle, «n’étaient pas des académiciens». Son père aimerait qu’elle fasse un apprentissage: elle sera la première de la famille à décrocher un diplôme universitaire. Elle choisit la communication, les sciences politiques et le droit international à Munich et se spécialise dans les droits de l’homme.
«Mon travail de fin de master portait sur l’influence de ces derniers à la Banque mondiale, se souvient-elle. La conclusion? Ils n’en ont aucune! Mais ça a peut-être un peu changé.» Son diplôme en poche, elle passera six mois dans la brousse kényane en compagnie d’un ancien amour avant de revenir en Allemagne pour embrasser sa passion: le journalisme.
Fascinée par la politique
«Je suis une vraie «news junkie», rigole-t-elle. Fascinée par la politique, elle suit une formation duale en télévision et radio chez Deutsche Welle, le service national de diffusion, avant de décrocher un poste qui l’emmènera travailler à Cologne, à Bruxelles et à Berlin. Dans la capitale, elle devient correspondante parlementaire, travaille un temps comme indépendante, puis présente les nouvelles sur une chaîne allemande.
«Pendant trois ans, j’ai aussi fait la matinale, raconte-t-elle. J’étais debout à 3h30 tous les jours.» Au cours de sa riche carrière médiatique, elle visitera encore la plupart des pays du Moyen-Orient, «la Syrie quand elle tenait encore debout», et vit sur place la guerre en Irak et en Afghanistan. «Cela m’a donné l’occasion de voir par moi-même les difficultés de parler des droits de l’homme avec certains gouvernements, raconte-t-elle. Et de réaliser à quel point nous sommes privilégiés en Europe et pourquoi il est primordial de s’occuper de ceux qui ont moins de chance que nous.»
«Je veux aller davantage dans la rue»
Attirée vers la Suisse au début des années 2000 par un emploi dans un magazine de voyage du groupe NZZ, elle finira par s’y installer et rejoindre Amnesty International. «Je n’aurais jamais voulu m’occuper de la communication d’une grande entreprise. Mais Amnesty, c’est autre chose. C’est un honneur.» Etablie à Zurich depuis dix ans, elle y a désormais sa vie: «Mon mari est professeur de psychologie et communication interculturelle à la haute école de Rapperswil. Mon fils de 11 ans parle suisse-allemand. En été, il y a le lac, en hiver les montagnes. Nous sommes très bien ici.»
«Job de rêve»
D’autant plus que, choisie pour diriger l’antenne suisse d’un des fers de lance internationaux du combat pour le respect des droits de l’homme, elle dit avoir décroché son «job de rêve» et «bouclé la boucle»: «Je m’intéressais à la thématique lors de mes études, je l’ai décrite en tant que journaliste et maintenant je suis là où je peux concrètement influencer les choses.» Quid de son programme?
«La Suisse a un poids international important dans le domaine des droits de l’homme, dit-elle. De par la présence de l’ONU, la neutralité du pays et sa bonne réputation. Dans le futur, nous allons continuer de faire pression depuis l’intérieur. Lors des votations populaires notamment, que ce soit pour soutenir une meilleure protection des homosexuels, en février, comme dans la suite des négociations concernant l’initiative pour des multinationales responsables. La révision de la norme pénale sur le viol fait également partie de nos objectifs.» L’organisation bénéficiant de deux accréditations au Palais fédéral, Alexandra Karle compte venir défendre ces thématiques en personne auprès des parlementaires. Mais il n’y a pas que les cols blancs: «Amnesty International est une organisation militante et il faut que cela se voie davantage dans la rue. J’admire le courage des jeunes pour le climat et j’ai été très impressionnée par la grève des femmes de juin dernier. Nous allons renforcer notre présence sur le terrain pour accompagner ces mouvements.»
Le futur s’annonce chargé, mais tout cela, ce sera après juin. D’ici là un grand événement attend Alexandra Karle: dix semaines de voyage en Asie avec toute sa famille. «Je n’ai jamais pris de pause aussi longue depuis que j’ai commencé à travailler», se réjouit-elle.