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Alfred Donath: «Pascal Couchepin ne place pas les droits humains au-dessus de tout»

Alfred Donath critique Durban II, la Conférence de l'ONU sur le racisme. Il appelle le président de la Confédération à réagir à la tournure anti-israélienne que prend cette rencontre.

Ces derniers jours ont été riches en événements pour Alfred Donath, président sortant de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI). Mardi, il a reçu Ronald Lauder, le nouveau président du Congrès juif mondial (CJM). Mercredi, tous deux ont rencontré le président de la Confédération. Le soir même, les trois ont ouvert l'assemblée générale de la FSCI à La Chaux-de-Fonds. Pascal Couchepin a rendu hommage à Alfred Donath pour son activité et ses contacts avec le Conseil fédéral et souligné que c'était la première fois qu'un président de la Confédération non juif s'adressait à une assemblée de la FSCI. Il a aussi appelé les juifs à s'opposer à l'initiative de l'UDC sur les naturalisations.

Ronald Lauder a de son côté désigné l'Iran comme le principal problème des juifs. Il a une nouvelle fois critiqué la visite de Micheline Calmy-Rey à Téhéran pour signer l'accord gazier. La FSCI a d'ailleurs adopté jeudi une résolution condamnant fermement ce voyage. Alfred Donath revient sur ces derniers événements.

Le Temps: La rencontre entre Pascal Couchepin et Ronald Lauder à laquelle vous avez assisté s'est faite dans un esprit de «réconciliation définitive». Les thèmes qui dérangent, comme le contrat gazier, n'ont-ils pas été abordés?

Alfred Donath: Si. Mais Ronald Lauder a insisté sur le fait qu'il n'était pas là comme représentant des anciennes méthodes policières du Congrès juif mondial, mais pour dialoguer. Et refermer les cicatrices laissées par l'affaire des fonds en déshérence et par les propos déplacés de l'ancien secrétaire général du CJM Israel Singer, qui a qualifié la neutralité de la Suisse pendant la Deuxième Guerre mondiale de «crime». Il a clairement dit vouloir entretenir de bonnes relations avec la Suisse. Nous avons également évoqué d'autres problèmes, comme la façon dont Israël est perçu.

  • Trouvez-vous normal que ni Pascal Couchepin ni Ronald Lauder n'aient voulu commenter cette rencontre alors qu'il s'agissait précisément de se réconcilier?

  • Il ne s'agissait que d'une visite de courtoisie.

  • Quelles étaient vos revendications?

  • J'ai rendu Pascal Couchepin attentif à la situation de Durban II, la conférence de l'ONU sur le racisme qui devrait se tenir en 2009. Elle est de mauvais augure. L'Iran vient d'obtenir le retrait de l'accréditation d'une ONG canadienne pro-israélienne. Le Canada a décidé de boycotter la rencontre, Israël et les Etats-Unis pourraient faire de même et la France hésite. Micheline Calmy-Rey m'avait dit que la Suisse se calquerait sur la position de l'UE. Mais pour moi, la Suisse ne doit pas attendre: elle doit au contraire montrer l'exemple. Pascal Couchepin m'a répondu qu'il en parlerait aux Affaires étrangères et au Conseil fédéral. Contrairement à Micheline Calmy-Rey, il ne place pas les droits humains au-dessus de tout.

  • Ronald Lauder va-t-il selon vous donner un nouveau style au CJM?

  • Oui. Il est très différent d'Edgar Bronfman et d'Israel Singer. L'héritier de la maison de cosmétiques Estée Lauder est un grand philanthrope. Il soutient beaucoup de communautés juives de l'Europe de l'Est qui ont tout perdu. Il n'a pas l'intention de se transformer en policier.

  • Mais ses propos contre le contrat gazier étaient tout de même très fermes...

  • Oui. Mais la campagne d'annonces agressives était le fait de l'Anti-Defamation League, pas du CJM. La FSCI partage d'ailleurs ses critiques. Les délégués de la FSCI ont voté jeudi, à l'unanimité, une résolution qui condamne fermement la visite de Micheline Calmy-Rey en Iran. Le texte parle de «soutien moral et politique inespéré» au président Ahmadinejad. Il souligne aussi que la conseillère fédérale a «disqualifié notre politique de neutralité»: la Suisse est le seul pays européen à avoir adopté une résolution accusant de manière très déséquilibrée Israël de violer les droits de l'homme. Cette résolution émane des délégués, pas du comité directeur, qui n'a d'ailleurs pas le droit de vote. Personnellement, je n'aurais pas voté un tel texte.

  • Votre successeur, Herbert Winter, élu jeudi, a-t-il votre profil?

  • Pas du tout! C'est un avocat, membre de la communauté juive de Zurich mais qui, à ce jour, ne s'est jamais vraiment intéressé à la vie politique juive. Mais ce n'est peut-être pas un mal que d'avoir un nouveau président avec un profil différent...