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Anne-Catherine Lyon défend une université plus autonome et aux structures simplifiées

La conseillère d'Etat socialiste en charge de l'Instruction publique tient tête aux professeurs en voulant créer un seul parlement interne dans l'alma mater. Le gouvernement garderait la haute main sur l'engagement des professeurs.

Une université plus autonome et transparente: c'est le sens que la conseillère d'Etat vaudoise Anne-Catherine Lyon veut donner à sa révision totale de la loi sur l'Université de Lausanne. Intentions saluées dans l'alma mater, mais leur traduction provoquera quelques grincements de dents.

Parmi les sujets qui avaient déjà fâché en consultation, la répartition des pouvoirs. Adieu rectorat, bonjour «Direction». Les quelque 1500 collaborateurs et 10 000 étudiants du campus de Dorigny seront patronnés par une équipe de sept responsables au maximum, des directeurs «académiques» ou administratifs (finances, personnel…) choisis par le recteur, lui-même désigné par le Conseil d'Etat. Surtout, Anne-Catherine Lyon tient tête aux professeurs en supprimant entre autres le Sénat, l'actuelle assemblée générale des enseignants, accusés d'absentéisme chronique. A la place, un unique conseil de l'université de 46 membres élus, soit 18 professeurs, huit assistants, six représentants du personnel administratif et technique et 12 des étudiants. Autant dire «un organe ramassé, plus nerveux», illustre la magistrate. Pour les professeurs, qui se sont plaints à plusieurs reprises de ne pas être entendus durant la réforme, cet accent sur la participation laisse un goût saumâtre.

L'idée d'inclure dans ce conseil des personnalités extérieures a finalement été jugée «trop ébouriffante». La cheffe de l'Instruction publique s'attend à des «discussions intenses» sur ce point lorsque son texte sera décortiqué par les députés, à mi-janvier. La Fédération des associations d'étudiants (FAE), pour qui cette révision «améliore globalement la situation», salue la création d'un tel conseil, mais déplore qu'il ne puisse analyser en détail le budget. S'inspirant d'une réflexion lancée à Genève, le Conseil d'Etat vaudois pourrait aussi créer un «conseil des hautes écoles» qui jouerait le rôle d'intermédiaire entre la société, l'économie et les directions des écoles supérieures, y compris les hautes écoles spécialisée et pédagogique.

Une université plus libre dans ses choix, donc, et plus centralisée. La direction aura par exemple toute latitude pour créer ou supprimer des facultés: celles-ci ne sont plus mentionnées de manière explicite dans la loi, remplacées par une énumération des domaines d'enseignement. Ce qui, là aussi, devrait susciter quelques débats «intenses» au parlement. L'Etat conserverait toutefois la haute main sur l'engagement des professeurs ordinaires, ce qui fait «s'interroger» le recteur, Jean-Marc Rapp. S'il salue le «gain en capacité d'action» qu'offre le texte, ce juriste voit une «contradiction insoluble» dans cette façon de «retirer d'une main l'autonomie que l'on a accordée de l'autre», les professeurs étant les «principaux collaborateurs» du rectorat.

Anne-Catherine Lyon tient également à revoir en détail le statut des assistants, talon d'Achille des hautes écoles suisses, qui offrent des perspectives d'emploi souvent médiocres alors que les départs à la retraite s'accumulent. Des jeunes chercheurs pourront être nommés professeurs sous réserve d'une évaluation, et la charge d'enseignement des assistants sera «limitée». Là aussi, Jean-Marc Rapp salue le souhait d'améliorer les conditions de travail, mais ne cache pas ses doutes quant à la capacité du canton à financer ces innovations, «alors que l'Etat, dans son budget 2004, ne tient déjà pas ses engagements en matière d'encadrement». Par ailleurs, les reports de dépenses d'une année à l'autre seront bridés à 5% du budget, seuil introduit pour limiter la «thésaurisation actuelle».

Enfin, la ministre socialiste réserve une ultime surprise aux universitaires, en retirant de son projet les dispositions relatives aux futurs diplômes, les bachelors et masters. Ceux-ci ne sont même pas cités dans le texte, pas plus que la sensible question des conditions d'accès au master, objets d'âpres négociations au plan national. Anne-Catherine Lyon, qui dit sa «conviction profonde» pour un accès élargi, veut se montrer «prudente, en gardant une marge de manœuvre» dans les débats en cours. Jean-Marc Rapp approuve, puisque ces questions relèvent de l'université, tandis que la FAE juge ce retrait «dangereux», craignant qu'il n'ouvre la voie à des cursus plus restrictifs.