Election
Ceux qui ne veulent pas voter pour le Tessinois ne sont pas unis. Leurs voix s’éparpillent entre Pierre Maudet et Isabelle Moret

Tout est affaire de «compactitude» (sic) en cette journée d’élection au Conseil fédéral. Mardi soir, Ignazio Cassis occupait toujours la position du favori dans la mesure où le camp rose-vert, qui réfléchit à une solution pour barrer la route au Tessinois, sera resté indécis jusqu’au dernier moment. Pour le faire trébucher, il n’a d’autre solution que de voter de manière compacte en faveur d’Isabelle Moret ou de Pierre Maudet, avec l’appui le plus large possible du Parti démocrate-chrétien. Or, tel n’était pas le cas mardi soir. «Chez nous, les trois candidats vont obtenir des voix», confie le chef du groupe socialiste, Roger Nordmann. Les groupes socialistes et démocrate-chrétien ont d’ailleurs prévu de se revoir mercredi matin avant la réunion de l’Assemblée fédérale. «Certains de nos membres sont encore indécis ce soir. Ils souhaitent réfléchir encore durant la nuit», complète Roger Nordmann.
Quitte ou double
Plusieurs parlementaires se faisaient d’ailleurs mousser en début de soirée, voulant croire à l’échec d’Ignazio Cassis et à l’élection de Pierre Maudet. Mais le seul moyen d’y parvenir est de lâcher l’un des deux rivaux du Tessinois pour faire bloc derrière l’autre. Or, les préférences ne concordent pas. Le chef du groupe des Verts, Balthasar Glättli, annonce une courte majorité en faveur d’Isabelle Moret par rapport à Pierre Maudet. L’atout femme est déterminant, souligne-t-il.
La situation est exactement inverse au Parti bourgeois-démocratique (PBD). La cheffe du groupe, Rosmarie Quadranti, souligne «l’expérience dans un exécutif, les capacités à diriger et l’indépendance» de Pierre Maudet. «Au PS, une courte majorité semble également se dessiner en faveur du conseiller d’Etat genevois. Il était en tout cas vainqueur à l’applaudimètre: à l’issue de sa présentation, les décibels perceptibles à l’extérieur de la salle de réunion du PS lui étaient légèrement favorables. Une recommandation de vote pourrait être donnée au terme de la séance de mercredi matin.
Où est Laura Sadis?
Au PDC, Ignazio Cassis, qui peut déjà compter sur le soutien de l’UDC, semble en mesure de récolter une majorité des voix. Le président du parti, Gerhard Pfister, se mobilise pour que ce soit le cas. Il l’a dit durant l’été, l’a répété vendredi soir à l’émission Arena de la TV alémanique, l’a redit dans la presse dominicale: la légitimité du Tessin de reprendre le siège de Didier Burkhalter est «difficilement contournable» à ses yeux. Mais le parti est divisé, et un courant minoritaire plutôt favorable à Pierre Maudet s’est formé. Le président du groupe, Filippo Lombardi, n’est guère loquace: «Les trois candidats sont compétents et valables. Et nous ferons notre choix dans ce ticket. Nous ne soutiendrons pas une autre candidature», lance le sénateur.
Mais le conseiller national jurassien Jean-Paul Gschwind ne cache pas sa préférence pour Pierre Maudet. «Il faut faire confiance aux jeunes», dit-il, lâchant au passage qu’il ne parvient pas à connaître les intentions de ses collègues de parti alémaniques. Les Vert'libéraux ne décident rien. Pas de consigne de vote. Tiana Moser, la cheffe du groupe, relève que les trois candidats ont des atouts et présentent des profils différents: l’urbanité pour Pierre Maudet, la minorité italophone pour Ignazio Cassis et la présence féminine pour Isabelle Moret. En aparté, on sent néanmoins que Pierre Maudet séduit le petit parti, représenté par sept élus sous la Coupole.
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Le PS regrette cependant l’éviction de l’ancienne conseillère d’Etat Laura Sadis par son parti cantonal. «Elle était la synthèse des qualités des trois candidats: elle a une expérience d’exécutif, elle est italophone et elle a la capacité d’être une femme (sic)», résume Roger Nordmann. Comme elle ne figure pas sur le ticket officiel du PLR, «nous ne pouvons pas voter pour elle», enchaîne-t-il. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne récoltera pas des suffrages isolés, notamment lors du premier tour de scrutin, qui est libre. Officiellement, les socialistes, comme les élus des autres partis, vont toutefois voter pour l’un des trois candidats officiels du PLR. «Il y a peu de différences politiques entre eux, mais leurs personnalités et leurs sensibilités sont différentes», reprend Roger Nordmann. Ce matin, donc, l’éventuel succès d’une stratégie anti-Cassis est tributaire du «degré de compactitude» de ceux qui espèrent lui barrer la route, selon l’expression colorée du socialiste vaudois.
L’apéritif est prêt, mais qui paiera?
Une drôle d’ambiance régnait à l’intérieur du Palais fédéral mardi après-midi. Alors que trois groupes parlementaires – le PS, les Vert’libéraux et le PBD – consacraient leur demi-journée au marathon des auditions des trois candidats, le décor intérieur était complètement transformé. L’initiative RASA à peine balayée par le Conseil
fédéral, le président de l’Assemblée fédérale, Jürg Stahl, a demandé aux élus de ranger toutes leurs affaires laissées dans la salle des pas perdus pour que les médias audiovisuels puissent s’installer. Au rez-de-chaussée, les tables pour l’apéritif sont déjà prêtes. Mais on ne sait pas encore qui paiera l’addition: ce sera le canton du nouveau membre du gouvernement.
Au terme des entretiens, les trois prétendants étaient visiblement soulagés d’en avoir terminé avec cette épreuve. Ignazio Cassis relevait que «les questions posées par les groupes socialistes et l'UDC étaient plus agressives, notamment sur les relations entre la Suisse et l’Europe, mais aussi sur la politique énergétique, par exemple. Je me suis vendu pour ce que je suis: un libéral», confiait-il au terme de sa dernière audition. Il ne s’est toutefois pas privé de rappeler au PS que c’est avec lui que le PLR a pactisé pour la loi de mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse, pas avec l’UDC.
L’élection débute à 8 heures avec les hommages rendus à Didier Burkhalter, qui quitte le gouvernement le 31 octobre. Puis on passe à l’élection. En coulisses, mardi, certains espéraient que des erreurs orthographiques – «Modet» ou «Mauret», par exemple – ne viennent pas entacher la procédure, comme ce fut le cas en 1999, lorsque les noms de «Roth» (Jean-François) et «Roos» (Rita) furent sources de confusion.