On prend les mêmes et on recommence. Ou presque. Les anti-vaccins à l’origine du référendum contre la loi sur les épizooties, sur laquelle la population s’est prononcée en novembre 2012, reviennent sur le devant de la scène pour s’opposer, cette fois, à la loi sur les épidémies.

La nouvelle loi donne au Conseil fédéral des compétences supplémentaires pour piloter les campagnes de vaccination. Il n’y aura pas de vaccination forcée des citoyens. En revanche, la vaccination pourra être obligatoire pour certaines professions, le personnel soignant par exemple, en contact avec une population fragile.

Mais à quelques semaines du scrutin, la cause mobilise peu. Et encore moins les Romands. Le naturopathe alémanique Daniel Trappitsch, chef de file de l’opposition aux vaccins, le reconnaît: il vient tout juste de trouver un petit groupe d’homéopathes pour relayer la position des référendaires, dont Nathalie Calame, du Centre prévention santé de Colombier. «C’est vrai, il y a un Röstigraben», avoue Daniel Trappitsch. Il est culturel. Les Romands sont moins adeptes des thérapies naturelles que les Alémaniques, ils consomment plus de médicaments. «Les Alémaniques sont plus proches des druides que les Romands», lance Jacques-André Haury, médecin et député vaudois vert’libéral qui n’est pas un inconditionnel des vaccins, mais estime que «la loi est cohérente et nuancée».

L’ancien conseiller national UDC Dominique Baettig s’engagera contre la loi, mais il s’en rend compte: «Les Romands sont plus étatistes. Ils ont une attitude plus soumise vis-à-vis de l’Etat, alors que les Alémaniques savent mieux s’organiser pour défendre leurs libertés.» Pour sa part, Nathalie Calame entend informer les citoyens sans pour autant se lancer dans un militantisme pur et dur. «Ce sera de toute façon très difficile de se faire entendre. Nous passons toujours pour des égoïstes», déplore-t-elle.

Lors du vote final au Conseil national, en septembre 2012, 14 élus s’étaient opposés à cette loi. Parmi eux, une seule Romande: la verte neuchâteloise Francine John-Calame. «Je ne suis pas fondamentalement opposée aux vaccins. Tout dépend de la situation et chacun doit être responsable. Mais je crains le pouvoir de l’industrie pharmaceutique sur le Conseil fédéral et l’administration», explique-t-elle, rappelant quelques exemples récents, comme l’importante commande de vaccins contre la grippe porcine, dont il a fallu ensuite se débarrasser. La conseillère nationale ne fera pas campagne. «Je suis contente que la population puisse se prononcer, mais je ne me reconnais pas dans le comité référendaire», déclare-t-elle.

Cause perdue d’avance? La loi sur les épizooties, qui touchait à la vaccination animale, a été acceptée par plus de 68% des votants. Seuls deux cantons alémaniques ont suivi les référendaires: Uri et Appenzell Rhodes-Intérieures. En Suisse romande, le résultat a été sec et sonnant. Malgré la diffusion d’images de vaches agonisant dans les prés après avoir été vaccinées, 88,5% des Vaudois ont plébiscité la loi, un record ce jour-là.

Sur le papier, la loi sur les épidémies est susceptible de faire un peu mieux. Elle touche les humains. Et un autre groupe d’opposants se fera entendre: les conservateurs qui refusent la prévention dans les écoles, notamment des maladies sexuellement transmissibles. Mais cette addition d’oppositions peu compatibles entre elles risque aussi de refroidir l’engagement de certains.

Les mots d’ordre des assemblées des partis seront intéressants. Comme l’a constaté Daniel Trappitsch lors du vote sur les épizooties, «l’opposition vient de la base et pas des instances». En 2012, l’assemblée des délégués de l’UDC avait basculé contre l’avis de la présidence. Chez les Verts, le débat avait été vif.

Vice-président de l’UDC, Claude-Alain Voiblet pressent que son parti sera à nouveau très divisé fin août, lors de l’assemblée des délégués. «Le camp qui sera le plus convainquant l’emportera», estime-t-il. Chez les Verts, on pourrait laisser la liberté de vote. «C’est vrai que chez nous il y a des opposants à cette loi, même si les Verts sont en principe en faveur de la prévention, déclare Adèle Thorens, coprésidente. Nous défendons les libertés individuelles, mais la vaccination est aussi une question de solidarité avec ceux dont la santé est plus fragile.»

«Les Alémaniques sont plus proches des druides que les Romands»