Le Temps: Les producteurs d’électricité misent tout sur l’éolien au détriment du solaire. Juste ou faux?

Roger Nordmann: Faux. Tout le monde admet, Conseil fédéral en tête, que le solaire est appelé à remplacer la moitié du nucléaire, alors que l’éolien n’assurera qu’une petite partie du solde. Les électriciens investissent de plus en plus dans le solaire. Mais comme l’éolien produit plus en hiver, contrairement au solaire, il est très précieux pour la sécurité de l’approvisionnement. Comme une éolienne coûte 4 à 5 millions, il est évident que seules les entreprises électriques, majoritairement publiques, ou de gros investisseurs peuvent s’y lancer.

– Admettez-vous que la rétribution à prix coûtant (RPC) ait des effets pervers?

– Non. Ce système est un grand succès. Il a déjà permis d’augmenter de plus de 1 TWh la production annuelle suisse toutes énergies confondues. Cela représente 1,6% de la consommation. Il donne aux investisseurs privés ou publics l’assurance de pouvoir amortir l’installation. La RPC est l’instrument central pour sortir proprement du nucléaire au cours des 25 prochaines années. Sinon, le nucléaire sera remplacé par de l’électricité gazière ou charbonnière.

– Les projets se sont multipliés sans le désordre et menacent de couvrir tout le Jura. Est-il encore temps pour les autorités de reprendre la main par une coordination?

– C’est indispensable. Les éoliennes doivent être groupées en parcs, pas dispersées. Il faut les mettre sur les flancs plutôt que sur les crêtes, car elles sont moins visibles. Personnellement, je suis pour les mettre en forêt: le dommage est minime pour l’environnement et il existe des routes d’accès presque partout. L’autre piste, c’est évidemment à proximité des barrages, dans les Alpes, car il y a déjà le barrage, les lignes électriques et les routes.

– L’éolien, une cause perdue en Suisse?

– Non, mais seuls les projets qui associent dès le début les communes avancent bien. Il faut que commune et habitants puissent co-investir dans le projet. Les approches «coloniales», où un grand groupe électrique essaye d’imposer des éoliennes comme autrefois des centrales nucléaires, seront de plus en plus vouées à l’échec.