A croire que Genève a trouvé l'œuf de Colomb pour désamorcer les conflits scolaires dont il a longtemps eu le secret: après la réforme du Cycle d'orientation (LT du 08.05.2008), c'est celle de l'Université qui a fait l'unanimité au sein de la commission concernée.

Comme l'a appris Le Temps, la nouvelle loi sur l'académie genevoise a été votée il y a une semaine par l'ensemble des députés de la commission de l'enseignement supérieur. Elle consacre le principe d'une alma mater beaucoup plus autonome, dirigée par un rectorat aux pouvoirs renforcés face à une nouvelle instance essentiellement consultative: l'Assemblée de l'Université.

Débats en longueur

Même si le texte adopté est très proche de la réforme proposée en avril 2007 par la commission d'experts que présidait Ruth Dreifuss - et du projet de loi du Conseil d'Etat qui en découlait -, les débats en commission ont été longs. Beaucoup plus que ce que prévoyait le gouvernement, qui tablait l'an dernier sur une entrée en vigueur de la loi en janvier 2008.

Si les discussions lancées à l'automne dernier se sont prolongées de longs mois, c'est en raison des aspirations très divergentes des partis en matière de gouvernance de l'Université. Alors qu'à droite on plaidait pour la mise en place d'un Conseil d'administration à la tête de l'académie, la gauche réclamait une direction aussi ouverte que possible à l'ensemble des représentants de la communauté académique.

Deux positions a priori inconciliables. Mais plutôt que de tenter l'affrontement, les commissaires ont finalement opté pour une version légèrement retouchée du projet Dreifuss. Pour la gauche, minoritaire au parlement, l'essentiel était de préserver autant que possible les dispositions de l'avant-projet, jugées acceptables. «Même si nous aurions souhaité une Assemblée de l'Université dotée de plus grandes prérogatives pour contrebalancer le pouvoir du rectorat, le principal était que le projet Dreifuss ne soit pas dénaturé», explique Anne Emery-Torracinta, cheffe du groupe socialiste.

A droite, les députés concèdent pour leur part avoir renoncé très vite à vouloir imposer un Conseil d'administration: «Il était inutile de se lancer dans une bataille perdue d'avance. Il nous a paru plus important de faire un pas vers une plus grande autonomie que de tenter de faire sauter certains tabous», note le libéral Pierre Weiss.

Vote en juin

Résultat, le projet qui sera proposé au plénum en juin prévoit, conformément aux attentes, que les instances politiques perdent une grande partie de leurs prérogatives. Seul instrument de pilotage politique prévu: la Convention d'objectifs, que le rectorat négociera tous les quatre ans avec le Conseil d'Etat, et qui définira les grandes orientations que l'académie devra suivre. Parallèlement, une enveloppe budgétaire quadriennale sera attribuée à l'Université.

C'est le rectorat qui aura la haute main sur le destin de l'académie. Le recteur nommera ses vice-recteurs (entre trois et cinq), les doyens, les professeurs et les principaux cadres du personnel administratif. Le rectorat décidera de la création et de la suppression des facultés (ou unités principales d'enseignement et de recherche), sur la base de préavis internes et avec l'accord du Conseil d'Etat. Il élaborera aussi le budget et les règlements. Il sera assisté par un Conseil d'orientation stratégique, qui proposera notamment les candidats au poste de recteur, et par un Conseil d'éthique et de déontologie.

Autre instance qui a fait l'objet de longs débats: l'Assemblée de l'Université. Elle compte 45 membres représentant les professeurs, les assistants, les étudiants et le personnel administratif. A l'exception de la désignation du recteur, elle n'aura qu'un rôle consultatif.

Principale nouveauté par rapport au projet Dreifuss, la création d'un comité d'audit, qui sera chargé d'assurer les contrôles au sein de l'académie, notamment pour éviter que les errements comptables révélés il y a deux ans ne se reproduisent.

Les professeurs, dont la rémunération avait fait débat lorsque les scandales comptables avaient ébranlé l'académie, seront toujours soumis à la loi sur le personnel de l'Etat. Mais des dérogations pourront être accordées par le rectorat pour leur rémunération, avec l'aval du Conseil d'Etat. La gauche a dû renoncer à plafonner ces salaires.

Les gains accessoires issus des mandats que les professeurs exécutent en dehors du cadre académique devront être annoncés, mais aucune rétrocession automatique n'est prévue: l'Université tranchera au cas par cas. Les taxes universitaires feront quant à elles l'objet d'une loi ad hoc.