Après la démission de Yannick Buttet, le malaise ne s’est pas dissipé à Berne
Harcèlement
Yannick Buttet a certes démissionné du Conseil national, mais ses actes ne seront probablement pas sanctionnés pénalement à Berne, où aucune procédure ne devrait être ouverte

Yannick Buttet a donc fini par démissionner de son mandat de conseiller national après les dernières révélations du Temps et du Nouvelliste. Est-ce la fin de l’affaire sous la coupole fédérale? Le PDC, placé sous haute pression, le souhaite vivement. Un malaise n’en demeure pas moins. Selon toute vraisemblance, Yannick Buttet a violé le droit, mais un procès devrait lui être épargné à Berne. Les victimes de ses actes hésitent toujours beaucoup à déposer plainte.
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Au PDC, l’affaire a suscité une onde de choc dès le 29 novembre au soir, moment où elle a été révélée sur le site web de notre journal. Le Conseil national est en train de fêter son nouveau président, Dominique de Buman, lorsque plusieurs membres de la direction du PDC reçoivent un courriel de celui qui est encore le numéro deux du parti. Le président, Gerhard Pfister, et la secrétaire générale, Béatrice Wertli, comprennent vite la gravité de l’affaire, d’autant plus que Yannick Buttet reconnaît une bonne partie des faits.
La réaction rapide du PDC
Au PDC, une première réunion de crise se déroule le lendemain déjà, entre 7h et 8h du matin, soit avant la reprise des travaux du Conseil national. C’est la seule fois où le Valaisan est présent physiquement pour s’expliquer. Certes, il offre sa démission de la vice-présidence, mais ce n’est là qu’une demi-mesure, peu satisfaisante aux yeux non seulement des médias, mais aussi de plusieurs élus PDC.
La tête du parti est confrontée à un cruel dilemme. D’un côté, elle doit faire valoir la présomption d’innocence. De l’autre, elle prend vite conscience des dégâts d’image pour ce PDC qui se veut le «parti des valeurs». Douze heures après l’éclatement de l’affaire, Gerhard Pfister parle déjà d’un «comportement inacceptable». Quelques heures plus tard, c’est la conseillère fédérale Doris Leuthard qui avoue que «M. Buttet aurait un problème si les faits s’avèrent».
Le week-end suivant, le PDC suisse se fâche définitivement avec son mouton noir. Le 4 décembre, Yannick Buttet, qui a pris un avocat zurichois, n’apparaît pas lors d’une séance de crise. Il préfère se mettre en congé maladie au lieu de répondre aux accusations qui pèsent sur lui. Dans son parti, certains peinent à dissimuler leur ire: «Nous étions très mal, car nous nous sentions impuissants. C’était à lui de démissionner», confie une élue PDC.
Les Femmes PDC offrent une médiation
Aujourd’hui, c’est le soulagement qui domine dans le parti. «Cette décision est sage pour le parti et l’institution», déclare Dominique de Buman (PDC/FR). Ses dirigeants aimeraient clore définitivement l’affaire, ne serait-ce que pour passer à un dossier urgent, à savoir la campagne contre l’initiative «No Billag», qu’ils ont la responsabilité de conduire. Mais le malaise provoqué par cette affaire ne s’est pas totalement dissipé. Car Yannick Buttet a bien précisé que sa démission du Conseil national ne constituait pas un aveu de culpabilité, mais bien une mesure pour protéger sa famille. Il l’a dit et répété: «Je suis peut-être un gros lourd, mais pas un harceleur sexuel.»
Présidente des Femmes PDC, Babette Sigg précise cependant: «Il faut prendre très au sérieux les accusations des femmes. Nous ne pouvons pas retourner aux affaires comme si rien ne s’était passé.» Aussi propose-t-elle un service de médiation aux femmes ayant jusqu’ici témoigné anonymement. «Je suis prête à les écouter, toujours sous le sceau de la confidentialité.» Et ensuite? «Il faudra voir si d’autres mesures sont nécessaires.»
En dehors de la plainte déposée à Sierre, qui débouche sur une procédure pour contrainte, il est peu probable que la justice devienne active pour les faits s’étant déroulés dans la capitale fédérale. «Des accusations relayées par les médias ne constituent pas une base suffisante pour ouvrir une procédure pénale. Il faut que les personnes qui témoignent anonymement déposent une plainte à la police ou au Ministère public», note le porte-parole du Ministère public du canton de Berne, Christof Scheurer.
Procédure à Berne peu probable
Les victimes des actes de Yannick Buttet ne sont pour l’instant pas prêtes à le faire. «Même si les faits sont graves, ils se sont souvent déroulés sans témoin. Les preuves seraient ainsi difficiles à apporter et il n’est pas sûr dans ces conditions qu’une procédure pénale se terminerait par une condamnation», relève l’une d’entre elles. De son côté, la vice-présidente des Verts, Lisa Mazzone, préfère tirer les enseignements positifs de l’affaire. «En prenant la parole, les femmes sont devenues actives et elles ont eu un impact réel qui a débouché sur la démission de Yannick Buttet, qui pour moi est une reconnaissance des faits.»