La qualité des soins et la viabilité économique des hôpitaux exigent une approche intercantonale et la libre circulation des patients au même tarif. Forts de ce credo, Vaud et le Valais s'apprêtent à bâtir le premier établissement transfrontalier de Suisse. Le Vaudois Pierre-Yves Maillard et le Valaisan Thomas Burgener ont présenté hier le projet de convention qui met sur les rails le futur hôpital Riviera-Chablais. «Une étape cruciale a été franchie», ont-ils déclaré.

Dans l'aula du collège de Rennaz, à deux pas de Villeneuve et à peine plus loin de Monthey, au milieu des élèves éblouis par les caméras et les photographes, les deux magistrats socialistes, responsable de la Santé dans leurs cantons, ont baptisé la nouvelle structure. Elle voit le jour après plus de dix ans de discussions, de projets avortés, notamment sur la Riviera. L'affinité politique des deux conseillers d'Etat a probablement favorisé le bouclement du dossier, qui risquait de s'enliser en raison de fortes résistances vaudoises à l'égard du statut de droit public promis à l'établissement (lire ci-dessous).

450 lits en tout

L'établissement se déclinera en trois bâtiments. Les soins aigus, 300 lits, seront logés à Rennaz, dans le nouveau bâtiment. Deux centres de traitement et de réadaptation (CRT) de 75 lits chacun seront aménagés à Vevey et à Monthey dans deux immeubles existants, celui de Samaritain sur la Riviera et celui de Monthey. On y pratiquera en outre les soins palliatifs, de petites urgences ambulatoires, l'imagerie médicale et la physiothérapie.

Les cinq autres sites en activité sont appelés à disparaître ou à réorienter leur mission. Il s'agit de La Providence à Vevey, du Mottex à Blonay, du Miremont à Leysin ainsi que des hôpitaux de Montreux et d'Aigle.

Le projet de convention est accompagné d'une demande de garanties étatiques pour un emprunt bancaire de 21,5 millions de francs: 75% à la charge du canton de Vaud et 25% couverts par le Valais. Ce montant servira au financement du concours d'architecture et des études détaillées.

Le texte adopté par les deux gouvernements devra être approuvé par leurs parlements respectifs. Auparavant, une commission mixte de 14 députés aura procédé à l'examen de la convention et proposé des amendements éventuels. Le vote devrait intervenir au cours de 2009. Les crédits d'ouvrages sont attendus pour 2011. La mise en service de l'hôpital est annoncée au cours de 2015. L'ouvrage est estimé à 250 millions de francs, dont 200 investis par les Vaudois. Le chiffre avancé ne tient pas compte des hausses légales, a précisé fermement Pierre-Yves Maillard, ni de l'adaptation de deux CRT devisée à 25 millions. La prudence se mariera avec une certaine «poigne» dans la direction du chantier afin de conjurer des dépassements inacceptables, a assuré encore Thomas Burgener.

Pas de licenciements

Tout en précisant que l'objectif de l'opération n'est pas de faire des économies, mais de doter la région d'un équipement moderne et performant susceptible de s'autofinancer, les deux ministres ont indiqué une probable baisse des coûts annuels d'exploitation de l'ordre de 23 millions. Dans la même logique, Pierre-Yves Maillard a beaucoup insisté sur la volonté des deux Conseils d'Etat de ne pas procéder à des licenciements et d'encadrer le personnel par des conventions collectives de travail.

L'hôpital Riviera-Chablais touche une population de 150000 personnes, dont la grande majorité sont vaudoises. L'hôpital de Rennaz, outre l'autoroute à proximité, sera accessible grâce au renforcement des lignes de bus desservant Villeneuve depuis Vevey et Aigle.

Planification hospitalière

Du côté vaudois, cette réalisation inédite concrétise un volet de la planification hospitalière, inscrite dans le programme de législature. Elle avait été esquissée par le prédécesseur de Pierre-Yves Maillard, le libéral Charles-Louis Rochat il y a quelques années déjà. Planification qui prévoit le regroupement des soins aigus en quatre zones névralgiques avec le CHUV au centre. Non sans polémiques parfois, à l'image du débat autour du site de Saint-Loup près d'Orbe. Du côté valaisan, l'établissement renforcera le Réseau Santé Valais, mis en place à partir de 2003. Il rassemble et rationalise depuis cette date l'offre hospitalière du Vieux-Pays.

Plus généralement, la nouvelle institution répond aux changements en gestation au niveau fédéral, qui dessinent un paysage de soins soumis à la concurrence et de plus en plus perméable aux frontières cantonales.