A l’inverse d’Yves Maître qui n’avait pas précisé, vendredi, les raisons de son départ précipité, sinon qu’elles étaient «susceptibles de porter atteinte à l’image du magistrat», le juge Pierre Boinay admet avoir consulté «des sites non professionnels». Mais il assure que les faits «n’ont aucun caractère pénal, n’ont pas porté préjudice à la qualité de mon travail […] et je doute fortement qu’ils constituent une atteinte grave à la dignité de ma charge.»
La justice incarnée
La suspicion et la pression étaient devenues intenables. Pierre Boinay relève, dans son courrier de démission, ne pas avoir, «de prime abord, envisagé de quitter [s] on poste». Après réflexion, «considérant que l’intérêt de l’institution dans laquelle je siège était primordial, j’ai décidé de démissionner, non pas en raison d’éventuels manquements mais pour éviter toute critique à l’égard des autorités judiciaires». Pierre Boinay s’en ira le 31 août, il bénéficiera alors d’une retraite anticipée.
Comme Gérard Piquerez, décédé subitement l’an passé, Pierre Boinay incarne la justice jurassienne. Il est le fils de feu Gabriel Boinay, ancien juge à la Cour suprême bernoise, qui a construit, en 1979, l’appareil judiciaire jurassien. Pierre Boinay est l’un des actuels cinq juges permanents du Tribunal cantonal. Spécialiste de droit administratif, il siège également comme suppléant au Tribunal fédéral. Il semblait devoir être le «dernier» à tremper dans le scandale. Tout comme l’ex-vice-chancelier Jean-Claude Montavon, figure patriotique partie en retraite, lui aussi impliqué dans l’affaire, selon la TSR.
Invité à réagir, le ministre de la Justice, Charles Juillard, se dit «désolé», mais relève que «les institutions fonctionnent. C’est à ce prix qu’elles restent crédibles.»
Violemment secouée, la justice jurassienne reste debout. Mercredi, la Cour criminelle jugeait un homme poursuivi pour avoir abattu son épouse. Le siège du Ministère public était occupé par la substitute Valérie Cortat, qui a prononcé un réquisitoire sévère. Le procureur Yves Maître, en fonction jusqu’à la fin du mois de juin, n’apparaîtra plus en audience publique.
Le Jura doit remplacer les deux magistrats PDC emportés par le «pornogate». Le parlement, dont la commission de gestion se dit «heurtée», devrait élire le successeur d’Yves Maître en avril déjà, «car la justice doit continuer de fonctionner», assure Charles Juillard. Le canton dispose-t-il de candidats aptes à assumer la fonction?