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Les articles sur l'école suscitent une opposition hétéroclite

En votation le 21 mai, les textes sur l'harmonisation scolaire réunissent contre eux l'extrême gauche et des représentants de droite. Argument commun: un déficit démocratique.

L'extrême gauche et une droite fédéraliste: les nouveaux articles de la Constitution sur l'école s'attirent une opposition bariolée, aux arguments finalement assez proches. En vote le 21 mai, ces textes, voulus par les Chambres, forcent les cantons à harmoniser l'âge d'entrée à l'école, la durée et les objectifs de la scolarité obligatoire et la reconnaissance des diplômes. Si les cantons n'y parviennent pas, la Confédération intervient.

A l'aube de la campagne, les premières salves viennent d'une coordination nationale encore informelle, lancée par l'association des étudiants de l'Université de Genève, la CUAE. Alors que le débat va surtout porter sur l'école primaire, la CUAE veut mettre en lumière les autres mesures proposées, qui concernent le pilotage des hautes écoles. Les grandes options seraient remises aux mains d'une instance commune aux cantons et à la Confédération. Les étudiants fustigent un «projet antidémocratique» qui «ouvre la porte à la libéralisation du «marché» de l'éducation». Ils dénoncent aussi le «flou juridique» qui entoure certaines notions introduites dans la Constitution si c'est oui le 21 mai, notamment celle de qualité de l'enseignement supérieur.

Au parlement, le seul tir de barrage est venu de «A gauche toute». Lors du vote final, les seuls refus émanaient de ses membres, Marianne Huguenin (VD), Pierre Vanek (GE) et Josef Zisyadis (VD). Ce dernier dépeint l'initiative des Chambres comme «un monstre juridique, une bombe à retardement», la démarche choisie piétinant, selon lui, le pouvoir des parlements cantonaux. «Nous ne sommes pas contre l'harmonisation, et nous serions d'accord si nous avions une éducation nationale contrôlée par le parlement. Mais la démarche échappe à tout contrôle.»

Le Vaudois redoute en outre une menace sur la gratuité des études et une «emprise de l'économie sur la formation». En pleine croisade contre la concurrence fiscale à Obwald, il assure vouloir se lancer malgré tout dans la campagne.

«Je suis surpris de voir M. Zisyadis défendre le fédéralisme alors qu'il fait le clown à Obwald», réplique l'UDC Oskar Freysinger (VS). Lui-même a approuvé le paquet d'articles en votation finale, «une erreur due à la vitesse des votes, j'avais refusé l'entrée en matière». Il combattra le projet «qui n'a pas profité d'un vrai débat», y voyant une centralisation dangereuse: «On fiche en l'air le fédéralisme en donnant toujours plus de pouvoir à la Confédération. Et l'on veut imposer la réformite de certains cantons à ceux qui n'en veulent pas.» Le Valaisan estime possible d'obtenir un mot d'ordre négatif de l'UDC lors de son congrès national, en avril, bien qu'aux Chambres, aucun agrarien ne s'est opposé aux textes.

L'argumentaire n'est pas très différent du côté du Centre patronal vaudois. Pour l'un des secrétaires patronaux, Pierre-Gabriel Bieri, «l'école reste plus proche de la culture locale que d'autres domaines. Là, la Confédération aurait toutes les cartes en main.»

Une opposition à l'harmonisation qui peut surprendre, venant de milieux économiques favorables à la mobilité des salariés, donc des familles: «Nous avons aussi une sensibilité de communauté, pas seulement économique. La question scolaire n'est de loin pas la seule qui se pose lors d'un déménagement.» Les opposants qui suivent cette ligne veulent aussi contester l'importance réelle de la mobilité intercantonale. La Ligue vaudoise le fera, elle qui prédit le «ratage annoncé» d'un projet qui «spolie de leur compétence les cantons qui maîtrisent le domaine scolaire», comme l'écrit Olivier Delacrétaz.

A ces oppositions de principe s'ajouteront, en Suisse alémanique, plusieurs enseignants et politiques qui défendent l'idée d'une seule langue à l'école primaire. Un oui le 21 mai sonnerait, à terme, le glas de cette ambition réclamée dans cinq cantons par voie d'initiative.

Les deux principales centrales syndicales, le LCH côté alémanique et le Syndicat des enseignants romands (SER) ici, approuvent les textes. Mais outre-Sarine, les enseignants du primaire seront plus divisés. Et appuyés, dans certains cantons, par les sections locales de l'UDC. Pour la présidente du SER, Marie-Claire Tabin, «la question des langues posera le vrai problème, celui d'une éventuelle contrainte, gênante mais nécessaire, sur des cantons qui n'accepteraient les règles de l'harmonisation».