Des pontes de l’UDC affublés de grotesques perruques, sortant d’un hélicoptère ou d’une voiture de luxe, pour parodier les «avocats gratuits»: voilà comment l’UDC a décidé de se mettre en scène dans un petit clip de fin de campagne. L’idée de cette «witz video» façon James Bond vient du conseiller national Thomas Matter. Christoph Blocher, Roger Köppel, Oskar Freysinger et le nouveau président du parti, Albert Rösti, notamment, y figurent. Drôle? La vidéo provoque des divisions au sein même du parti. Le conseiller fédéral Ueli Maurer n’a pas masqué son agacement dans une interview au SonntagsBlick. Pour lui, elle donne l’impression que le parti est à court d’arguments et qu’il prend la thématique de l’asile «à la légère». Ce qui est un mauvais point.

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Le paradoxe est bien là: c’est bien l’UDC qui est à l’origine de la votation du 5 juin, en raison du référendum lancé contre la révision de la loi sur l’asile de la ministre socialiste Simonetta Sommaruga. Mais elle ne fait pas campagne. Ou si peu. Pas d’affiches placardées partout, ni d’annonces payantes provocantes. Ses arguments, contre les «avocats gratuits» et les possibilités d’expropriation, ne font pas vraiment mouche: le parti a compris que la bataille semblait perdue. Même si des voix à gauche combattent à ses côtés, pour de tout autres raisons. Les récents sondages pronostiquent environ 60% de oui à la révision.

En présentant en mars le bilan positif du centre test de Zurich, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a, en quelque sorte, coupé l’herbe sous les pieds de l’UDC. Ce centre teste les procédures accélérées prévues dans la nouvelle loi. Et son bilan est plutôt bon et encourageant.

Sous un même toit

En résumé, la réforme vise une accélération des procédures: 60% des dossiers devraient à l’avenir être tranchés en 100 jours – 140 jours maximum pour les personnes ayant déposé une demande dans un autre Etat Dublin – dans des centres gérés par la Confédération. Ces centres (5000 places en tout, dont 1280 en Suisse romande) devraient regrouper sous un même toit, pour plus d’efficacité et de rapidité, tous les acteurs de la procédure, des fonctionnaires aux avocats, en passant par les interprètes: c’est l’idée centrale du projet. Une première phase préparatoire de 21 jours est prévue pour réunir tous les documents nécessaires. Les requérants dont les dossiers n’ont pas pu être bouclés en 100-140 jours seront attribués aux cantons et leur sort devrait être scellé en l’espace d’un an. Après une première phase d’investissements, des économies de 110 millions de francs par an sont prévues.

C’est pour garantir une équité de traitement et compenser l’accélération des procédures que les requérants auront droit, dès le départ, à une assistance juridique gratuite. L’UDC reste persuadée que cela entraînera de nombreux recours et donc une prolongation des délais. Pire, le parti brandit le fait que cela rendra la Suisse plus attractive, en créant un «appel d’air». Le projet pilote au centre test de Zurich démontre qu’il n’en est rien. Entre le 1er janvier 2014 et le 31 août 2015, soit la période évaluée, la durée des procédures a pu être réduite de 39% et le taux de recours a baissé d’un tiers, ont révélé les experts mandatés par le SEM. Seuls 17% des requérants ont fait recours.

En dernier recours

Par ailleurs, cette assistance juridique sera rémunérée au forfait (1361 francs par cas). Les avocats n’auront aucun intérêt à traîner les pieds. Et ne ressembleront pas vraiment à ceux du clip UDC, prêts à s’en mettre plein les poches et nourrir l'«industrie de l’asile». Il ne s’agira d’ailleurs souvent pas d’avocats mais plutôt de simples juristes.

Quant aux expropriations, le deuxième point sur lequel l’UDC met l’accent, il ne s’agira d’une possibilité utilisée qu’en tout dernier recours, a précisé Simonetta Sommaruga. Jeudi dernier, comme un dernier sursaut de campagne, des affiches brandissant le spectre de l’expropriation sont apparues dans certaines gares. Signées: le «Comité pour la protection des droits des citoyens contre l’arbitraire de l’Etat», qui regroupe en fait surtout des membres UDC.

Le jour de la présentation du bilan du centre test zurichois, le PLR, le PDC, le PBD, les Verts libéraux, le Parti évangélique, le PS et les Verts se sont, fait inhabituel, fendus d’un communiqué commun pour saluer le fait que les procédures seront désormais traitées «plus rapidement et de manière équitable». Le bilan a, en revanche, relevé une petite ombre au tableau: le cas des «disparitions», à savoir ceux qui préfèrent s’envoler dans la nature pour rejoindre la clandestinité, est plus élevé. Sans véritable explication.

Autre inconnue: comment fonctionnera le nouveau système en cas d’afflux de réfugiés? L’an dernier, près de 40 000 requérants sont venus en Suisse, un chiffre qui pourrait être semblable en 2016. Or, lors de l’élaboration de la nouvelle loi, les experts se sont basés sur un scénario bien plus bas: 24 000 requêtes par an.

Une chose est sûre: le SEM aura droit à plus de personnel. Pour le Conseil fédéral, qui vient de l’annoncer, il faudrait prolonger 82 postes à durée indéterminée jusqu’à fin 2019, pour gérer la situation de crise migratoire. Le gouvernement a aussi approuvé la création de 62,5 postes pour 2017 et 50,5 pour 2018.