Assassin de Lucie: pour Christoph Blocher, «le Tribunal fédéral a correctement appliqué la loi»
Revue de presse dominicale
Pour l’ancien ministre de la justice, il est essentiel de souligner que de toute façon le meurtrier de Lucie ne sera jamais libéré

L’annulation par le Tribunal fédéral, jeudi, de l’internement à vie de l’assassin de Lucie continue à susciter la polémique. Dans Le Matin dimanche, le président du PDC Christophe Darbellay, qui avait été à l’époque l’une des chevilles ouvrières de l’initiative populaire acceptée en 2004, s’étrangle. «Les juges oublient le bon sens », accuse-t-il. Lorsque les textes leur laissent une marge de manœuvre, « ils en font mauvais usage.» Conclusion : le Parlement doit réviser la loi pour corriger cette jurisprudence. «Il faut protéger la population contre le risque de récidive. Je n’abandonnerai jamais ce combat.» Les juges de Mon-Repos avaient pris un sérieux risque d’être impopulaires en considérant que, faute pour les expertises réalisées lors du procès de conclure à une incurabilité à vie – les psychiatres avaient limité leur pronostic de dangerosité extrême à une vingtaine d’années – l’internement à vie ne pouvait être prononcé.
Une fois n’est pas coutume, c’est de Christoph Blocher en personne que vient l’apaisement. Interviewé par la SonntagsZeitung, celui qui était ministre de la justice au moment du vote populaire comme lors des débats parlementaires relatifs à la mise en œuvre de l’initiative, défend le Tribunal fédéral. Selon lui, les juges, qu’il continue à accuser de faire trop souvent prévaloir le droit international sur les lois suisses, ont en l’occurrence correctement appliqué la loi. «J’avais averti à l’époque qu’il n’y aurait pratiquement aucun internement à vie qui pourrait être prononcé si des psychiatres ne prenaient pas la responsabilité de déclarer l’accusé incurable.» Ces déclarations, Christoph Blocher les avaient faites devant le Parlement, et le Tribunal fédéral s’y réfère abondamment pour interpréter la loi. Le leader UDC comprend que le verdict choque les proches de la victime, mais souligne qu’à vues humaines, l’assassin ne sera jamais libéré. Il sera l’objet d’un internement «ordinaire», qui pourra être réexaminé régulièrement, mais ne ressortira pas. Le résultat est le même : «C’est l’essentiel».
La presse dominicale s’intéresse de près également au thème de la migration, à deux mois du vote populaire sur l’initiative de l’UDC contre l’immigration de masse. Cette dernière pourra bénéficier d’un soutien qui n’est pas anodi, celui de l’entrepreneur schaffhousois Thomas Minder. Le héraut du combat contre les rémunérations abusives le déclare tout de go dans le SonntagsBlick : «Cette initiative est encore plus importante que la mienne». Une fois de plus, Thomas Minder s’apprête donc à faire cavalier seul, economiesuisse, la faîtière des grandes entreprises. étant résolue à mener une campagne sans merci contre un texte qui, s’il était accepté, risque de faire capoter une bonne partie des accords bilatéraux avec l’UE.
«Le prix du succès» : la NZZ am Sonntag consacre un grand dossier à la politique migratoire suisse, du statut de saisonnier aujourd’hui révolu à la libre circulation des personnes avec l’UE – illustré par une image parlante de travailleurs italiens en partance, la veille de Noël, pour Bari. Constat de l’hebomadaire : la libre circulation a valu à la Suisse une robuste croissance économique, mais aussi des problèmes de transports et de logements; au final, le bilan reste positif.
Migration toujours, Le Matin dimanche revient sur les conditions précaires dans lesquelles les Espagnols fuient, en Suisse, la crise économique qui ravage leur pays. Et publie une réflexion de Jean-Claude Péclet sur le «retour du statut de saisonnier» qu’on croyait «mort et enterré» depuis les premiers accords avec l’UE. L’UDC en réclame le rétablissement, en même temps que la gauche change de discours sur la libre circulation et demande un contrôle des salaires. Mais les responsables du PS prennent un risque, note le journaliste : «car l’électeur retiendra qu’ils reconnaissent tardivement un problème soulevé par d’autres qu’eux, en y apportant une solution bureaucratique et d’une efficacité douteuse.»
La presse du week-end revient encore sur la mort de Nelson Mandela. A lire dans la Sonntags Zeitung, cette réflexion livrée par Jean Ziegler dans une longue interview: après sa libération de geôles sud-africaines, il n’a jamais critiqué le rôle de la Suisse. Pour une raison simple: il savait qu’il deviendrait chef de l’Etat en mai 1994, et qu’il aurait alors forcément besoin de la place financière suisse. Il n’a jamais non plus lancé des demandes d’indemnités.» Et la Suisse, observe le sociologue, ne s’est dès lors jamais excusée non plus.