L'idée est passée de manière discrète. Vendredi, la NZZsoupçonnait tout de même que des avis mitigés s'exprimeraient: «Les autres villes de la Suisse alémanique ne l'entendront pas d'une bonne oreille», expliquait-elle. La raison? La publication par le gouvernement zurichois, la semaine dernière, d'un plan d'aménagement du territoire accompagné d'une conception de la région de demain: Metropolregion Zürich.

L'un des principaux critères de délimitation de ce projet de région est la proximité de l'aéroport de Zurich, qui doit être accessible en moins d'une heure. Cette conception, qui, de Lucerne à Bregenz en passant par Vaduz, englobe plus de 2 millions d'habitants, encourage des partenariats en fonction des spécificités de chacun (formation, finances, industrie, culture). Et non des dépendances, a assuré Zurich. Dépassant les dimensions prônées par le think tank Avenir Suisse dans sa Suisse des métropoles, cette Metropolregionintègre également Bâle.

Mais dans la ville rhénane, on prend tout cela avec des pincettes, même si les encouragements à des collaborations vont bon train. Au vu de la carte proposée par Zurich, on parlerait plus aisément de la «Rhein Region» («région rhénane»), car «c'est bien le fleuve qui lie les territoires concernés», observe Urs Müller, directeur adjoint du centre de recherches conjoncturelles Basel Economics (BAK), où l'on regarde aussi au-delà des frontières.

L'internationalisme bâlois

L'institut parle dorénavant de «Metro Basel» encourageant les liens avec des régions comme l'Alsace ou le sud de l'Allemagne, soit un territoire qui représente un demi-million de travailleurs et s'articule autour de la cité pharmaceutique. De son côté, le gouvernement de la ville-canton a, l'automne dernier, présenté ses projets pour 2020, évoquant des collaborations trinationales, notamment en matière de soins.

Pour le directeur adjoint du BAK, le terme «métropole» est à manipuler avec délicatesse, eu égard notamment aux dimensions du pays. «Peut-on déjà parler d'une voire deux métropoles en Suisse?» A ses yeux, il manque pour l'heure un véritable centre. «Zurich se définit comme meneur, mais que dire alors de la politique régionale de villes comme Saint-Gall, Lucerne ou Bâle, englobées dans cette vision?»

Les collaborations portent tout leur sens lorsqu'il s'agit de parler de routes ou de lignes ferroviaires auprès de la Confédération, mais le BAK préfère considérer un plan d'action à géométrie variable. «Et de l'idée à l'application politique, il y a encore de nombreuses questions qui exigeraient notamment une révision du système fédéral ou encore des accords entre pays.»

Quoi qu'il en soit, Bâle et Zurich doivent surtout chercher la complémentarité avant la concurrence, poursuit Urs Müller. A l'heure actuelle, il faut apprendre à vivre avec des partenaires sur divers modes, selon les thèmes. «Les questions d'école ou de crèche ne seront pas abordées suivant la même topographie que celles de la culture ou des routes.»

Niveaux de coopération

Il faut aussi se montrer conséquent, soutient l'économiste dans son analyse. «Si Zurich estime raisonnable de définir Bâle comme centre de Life Science, encore faut-il lui en laisser les moyens. Par exemple avec la médecine de pointe, sujet de bien des débats ces derniers mois.»

Pour l'heure, les travaux de coopération les plus concrets se manifestent, à une échelle plus restreinte, au niveau des conférences régionales. Par exemple dans le domaine des transports.

En matière de région métropolitaine, Ralph Lewin, conseiller d'Etat socialiste responsable de l'Economie, rappelle que Bâle regarde depuis longtemps au-delà de ses frontières. Que le gouvernement zurichois s'imagine ainsi centre d'une région européenne sans consulter ses voisins l'étonne. «Nous voulons, nous devons même collaborer. Mais il ne faut pas que Bâle y perde son indépendance, notamment en matière de formation ou de santé.»

Pour bien des domaines, comme la culture, la cité rhénane se dit déjà «centre européen» à préserver et à enrichir. «Car allez demander à un habitant de Lörrach [ndlr: en Allemagne] s'il se rend au spectacle à Zurich, la réponse sera sûrement négative.» Sur un point, tout le monde s'entend: aujourd'hui, il est impossible de limiter son regard sur le futur aux frontières cantonales.