Nombreux sont ceux qui ont reproché au Conseil fédéral sa lenteur de réaction face à la crise sanitaire. Or, la Suisse n’est pas un pays comme les autres. Elle est ancrée dans des racines profondes: le fédéralisme, qui remonte aux origines de l’Etat moderne, et le partenariat social, une valeur inestimable qui, déjà, s’est construite dans un contexte de crise.

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Ces spécificités ont fait le succès de ce pays. Mais elles ont un effet pervers: elles ralentissent ses processus de décision et ne sont pas adaptées à une crise aiguë et rapide. On en a la démonstration avec ce mauvais virus.

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Pour aller de l’avant, pour faire accepter à la population les sacrifices attendus d’elle, il est de tradition en Suisse de procéder à un prudent travail d’approche, un lent mûrissement, d’inclure les cantons qui restent très attachés à leurs prérogatives ainsi que les partenaires sociaux.

Or, les cantons ont été les premiers freins à l’établissement de règles uniformes. Et c’est parce qu’ils ont commencé, ces derniers jours, à agir chacun de leur côté que les choses ont vraiment bougé sur le plan national. Faute d’arbitrage fédéral, chaque canton s’est senti libre de définir lui-même la taille des rassemblements, l’étendue des confinements ou l’ouverture des hôtels et des restaurants. Un Röstigraben est apparu, entre des gouvernements latins décidés à tout bloquer pour ralentir l’expansion de la maladie et des cantons alémaniques plus hésitants.

Il était devenu inévitable que le Conseil fédéral mette de l’ordre et délivre un message clair, sous la forme d’un électrochoc, à l’ensemble de la «Willensnation». La branche du commerce de détail, très concernée, l’a demandé expressément. Les acteurs économiques ont d’ailleurs évolué. Au début, certains estimaient que l’on donnait trop de poids aux enjeux sanitaires par rapport aux conséquences économiques.

Comme les partis, ils font désormais bloc et soutiennent des mesures draconiennes, rigoureuses, uniformes, dans l’espoir qu’elles raccourcissent la durée de la crise. Ils sont désormais prêts à préparer l’après-virus. Ils croisent les doigts pour que, lorsque ce moment sera enfin arrivé, une majorité de restaurants, de commerçants, de PME, de salariés aient réussi à traverser l’orage sanitaire. L’état d’urgence est déclaré jusqu’au 19 avril. C’est long. Les dégâts seront considérables. Ils exigeront d’autres soutiens que ceux que le Conseil fédéral a mis sur la table jusqu’à maintenant.