Devant la justice

Il avait les larmes aux yeux. Lui, l’esprit florentin, le promoteur rusé, le débiteur coriace. Carlo Lavizzari n’a pu contenir son émotion en entendant son avocat, Dominique Warluzel, conclure sa plaidoirie par un vibrant appel à un verdict d’acquittement qui «grandira la justice en permettant à cet homme de retrouver sa dignité».

Des débuts tonitruants de ce volet dit RISA, marqués par l’arrestation mouvementée et médiatisée de Marc Fues et Carlo Lavizzari, il ne reste plus grand-chose. Me Warluzel le dira sur tous les tons et surtout sur celui de la satire: «La démonstration d’une connivence scélérate n’a jamais été faite. Tout ce que la justice a tenté pour illustrer le fondement d’une prévention a échoué. Ce procès marque la déroute définitive d’une accusation moribonde dont nous vivons ici les derniers spasmes.»

La probité

Carlo Lavizzari, complice, voire instigateur d’une combine comptable censée le favoriser tout en permettant au directeur général de la BCGE, Marc Fues, de cacher les besoins en provisions, de publier un bénéfice et de distribuer des dividendes dans le souci de conserver son poste? Absurde, analyse la défense. «C’est exactement l’inverse qui s’est produit. A chaque fois que le promoteur a voulu exiger quelque chose, il a été éconduit par la direction.»

Pour la défense de Marc Fues, Christian Lüscher a souligné que le dossier de la Rente Immobilière SA (RISA) avait été présenté à 128 reprises au comité de banque entre 1990 et 2000. «Voilà ce qu’on a voulu soi-disant cacher sous le tapis.» Evacuant tout dommage causé à la BCGE et tout dessein d’enrichissement illégitime de la part d’un Marc Fues dont les bonus ont toujours été liés aux «bonnes affaires réalisées durant cette période», Me Lüscher a soutenu l’évidence d’un acquittement «tant ce dossier transpire la totale probité et le dévouement».

Quant aux fameux bordereaux AVS, pour lesquels Carlo Lavizzari a obtenu un financement de 1,2 million en taisant leur rectification vers le bas, Me Warluzel y voit une manœuvre dictée par le ressentiment mais point une escroquerie. Le promoteur avait dû signer une reconnaissance de dette avec des engagements de sa belle-famille à la clé. «Cette tromperie ne pouvait pas appauvrir la banque et tout a d’ailleurs été remboursé», a conclu le défenseur.

L’amertume

A l’heure de conclure ces débats, l’ancien président de la BCGE, Dominique Ducret, le seul pour lequel le Ministère public avait conclu la veille à une relaxe au bénéfice d’un doute soudainement insurmontable, a dit son soulagement mais aussi son amertume. «Je suis écœuré et je n’ai pas vraiment le sentiment que justice a été rendue car le procureur général n’a pas eu le courage de dire que le dossier ne contenait rien qui justifie autant de tourments. Je vous demande de balayer ces doutes et de porter un regard sévère sur le comportement de certains de vos pairs.» Ce regard du juge du fond se précisera dans quelques jours.