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La BCV autorisée à livrer les noms des employés aux Etats-Unis

Le Grand Conseil a refusé une résolution du PS demandant à la banque d’attendre le jugement du Tribunal fédéral avant de livrer des noms d’employés aux autorités américaines. Des recours contre les pratiques de transmission ont été déposés à Genève et à Zurich

Le parti à la rose exigeait que la BCV attende un jugement du Tribunal fédéral (TF) avant de livrer les quelque 200 noms d’employés concernés. — © TF
Le parti à la rose exigeait que la BCV attende un jugement du Tribunal fédéral (TF) avant de livrer les quelque 200 noms d’employés concernés. — © TF

Les socialistes vaudois ont bataillé ferme. Philippe Leuba, conseiller d’Etat PLR, a opposé une résistance tenace. Au terme du débat au Grand Conseil, les députés du centre droit ont écarté une résolution du PS. Celle-ci demandait au gouvernement «de faire bloquer le transfert des données de la Banque Cantonale Vaudoise aux autorités américaines» dans le cadre de la résolution du différend fiscal entre la Suisse et les Etats-Unis.

Contactée, la BCV se limite à faire savoir qu’elle «a pris acte du vote du Grand Conseil».

Le parti à la rose exigeait que la BCV attende un jugement du Tribunal fédéral (TF) avant de livrer les quelque 200 noms d’employés concernés. Les juges de Mon-Repos doivent statuer sur des recours déposés contre les pratiques des banques dans les cantons de Genève et de Zurich.

La résolution socialiste a été déposée en toute hâte la semaine dernière. En effet, le délai fixé par la banque avant de procéder au transfert des données a échu le 25 août. L’initiative a été motivée par l’information «lacunaire» réservée aux collaborateurs de la BCV, qui auraient voulu notamment s’opposer à la divulgation de leur identité. Un employé s’en était plaint en juillet dans le journal La Région Nord vaudois.

Les élus du PS, secondés par La Gauche, ont critiqué l’absence d’une mention claire des droits des employés dont les noms pourraient être communiqués à la justice américaine. Selon les auteurs de la résolution, la BCV ne respecterait pas à la lettre les règles de la convention conclue entre l’association professionnelle et les banques suisses sur les modalités de transmission des données. Ce transfert est au cœur de l’accord signé par Berne et Washington en août 2013, sans le consentement du parlement fédéral, afin de régler le différend fiscal entre les deux pays.

A Genève et à Zurich, les tribunaux cantonaux ont déjà donné raison à des salariés qui avaient contesté les pratiques des banques, plus précisément l’absence de base légale. C’est à la suite de ces décisions que le TF a été saisi. Par prudence, le PS souhaitait que la BCV attende le verdict des juges avant de livrer les noms. De plus, si la légalité du transfert était remise en cause par la Cour suprême, les employés de la BCV pourraient se retourner contre la banque, estime Nicolas Rochat Fernandez. Avec des conséquences à la fois judiciaires et financières redoutables, note encore le chef du groupe socialiste au Grand Conseil.

«Le PS voulait exprimer un soutien politique aux employés, regrette l’élu dans la foulée. Nous avons néanmoins mis la pression sur la banque afin qu’elle respecte les droits de ses collaborateurs.» Nicolas Rochat Fernandez a rappelé devant le plénum que la BCV n’a pas signé la convention collective du secteur.

Philippe Leuba a, de son côté, beaucoup insisté sur les risques encourus par la banque en cas de gel de la démarche. La BCV participe au programme mis en place à la suite de l’accord signé entre la Confédération et les Etats-Unis. La banque a opté pour la catégorie 2 sur les quatre possibles. Autrement dit, sans être incriminée par la justice des Etats-Unis, elle ne peut pas exclure que des clients puissent avoir fraudé le fisc américain à son insu.

Selon le conseiller d’Etat, bloquer le transfert des données exposerait la BCV à des actions en justice «qui pourraient mettre en danger sa survie». Le gouvernement veillera sur le respect de la convention entre les employés et l’employeur, a assuré le magistrat, «mais le Collège n’ira pas plus loin». D’autant plus que la direction a donné toutes les garanties requises, a indiqué Philippe Leuba. C’est à la banque de procéder «à la pesée d’intérêts entre son devenir ainsi que celui de ses collaborateurs, et les exigences des autorités américaines. Et cela ne peut pas se faire sur la place publique, a-t-il affirmé, surtout dans une affaire dont l’issue reste incertaine.»

Le différend fiscal avec les Etats-Unis et les retombées de la convention mise en place pour le résoudre ont ravivé la diatribe sur le rôle du canton dans la gouvernance de la banque. Les divergences ne datent pas d’aujourd’hui. Celles-ci opposent ceux qui refusent toute ingérence à ceux qui souhaiteraient que le Conseil d’Etat fasse valoir son statut d’actionnaire majoritaire, qui possède 67% du capital.

Lors du débat, la gauche a appelé l’Etat à défendre ses intérêts au nom de sa responsabilité politique au sein du conseil d’administration. Le PS a exprimé avec force sa défiance à l’égard de la BCV, qu’il perçoit comme un Etat dans l’Etat, peu transparent. La droite, pour sa part, a souligné l’indépendance de la BCV et son hostilité à toute intervention dans sa gestion.

Ainsi, les députés ont en toute logique accepté à l’unanimité une autre proposition émanant de l’UDC Claude-Alain Voiblet, amendée par le PLR. La détermination parlementaire exhorte le gouvernement à informer régulièrement le Grand Conseil sur l’évolution du dossier fiscal. Le texte suggère également, en parallèle aux appuis prévus par la banque, la création d’une cellule de soutien aux collaborateurs visés.

Les élus de gauche ont critiqué l’absence d’une mention claire des droits des employés