Depuis le 1er avril 2010, Berne ne verse plus de nouvelles rentes AVS et AI aux personnes résidant au Kosovo. Les retraités doivent se contenter du capital engrangé durant leur vie active en Suisse. Les travailleurs ayant laissé des enfants au pays ne reçoivent plus d’allocations familiales. Une décision qui «touche durement et discrimine» la communauté kosovare, selon Unia, SIT Genève et l’autre Syndicat (VD). Les trois organisations ont remis une pétition – signée par près de 10 000 personnes – mardi à la Chancellerie fédérale et à l’ambassade kosovare; elle demande le renouvellement de la convention de sécurité sociale. Le point de vue de Naim Malaj, ambassadeur du Kosovo à Berne.

Le Temps: Que vous inspire la remise de cette pétition? Naim Malaj: Nous allons la transmettre au gouvernement. Les autorités kosovares ont elles-mêmes déjà fait une requête demandant la mise en place d’une nouvelle convention de sécurité sociale. C’est essentiel car 200 000 Kosovars vivent en Suisse, soit 10% de notre population. La convention qui a été dénoncée par Berne avait été rédigée en 1962, elle mérite peut-être quelques ajustements. Le contenu de l’accord devra être déterminé par un groupe d’experts.

– Combien de Kosovars sont-ils concernés par la suppression des rentes? – L’OFAS (Office fédéral des assurances sociales, ndlr.) a évoqué 300 rentes AI exportées au Kosovo. Ce sont souvent des gens qui gardent une adresse en Suisse car il y ont de la famille. Les personnes les plus touchées sont surtout les travailleurs – généralement des pères de famille – ayant laissé leurs enfants au Kosovo. Imaginez un foyer avec trois petits se retrouvant du jour au lendemain avec un budget grevé de 600 francs. Nous avons reçu, à l’ambassade, beaucoup de lettres et coups de téléphones de personnes inquiètes. Je ne connais pas les chiffres, mais cela représente des sommes énormes pour un pays comme le Kosovo, sans doute des centaines de milliers de francs par année. C’est dommageable, alors que nous sommes en pleine construction de notre Etat.

– Les ménages privés de ces rentes n’ont aucun autre subside? – Le gouvernement kosovar a un budget très modeste. Les retraités touchent 40 euros, c’est plus que symbolique. Enormément de gens vivent grâce aux allocations versées de l’étranger et grâce à l’aide de la diaspora. La solidarité prend place au sein de familles très élargies.

– Les rentes ont été supprimées faute d’avoir pu exercer un contrôle sur leur attribution, les enquêteurs ayant été menacés de mort. La situation est-elle si tendue? – Le problème n’est pas tant ces menaces que l’absence de cadre légal au Kosovo permettant aux autorités suisses d’exercer un contrôle. Dans ces conditions, le suivi de l’attribution des rentes est très compliqué. Les discussions sur une nouvelle convention devront aussi évoquer ce point.