ex-détenus de guantanamo
La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlpumpf et le ministre jurassien Charles Juillard se sont entretenus au sujet de l’accueil des ex-prisonniers. Alors que la Chine fait pression sur Berne contre cette éventualité, la décision finale sera prise par la Confédération
Le ministre de la justice jurassien Charles Juillard a rencontré vendredi matin à Berne Eveline Widmer-Schlumpf pour s’entretenir de l’éventuel accueil de deux ex-prisonniers ouïghours de Guantanamo. Aucune décision n’a encore été prise. La balle est dans le camp jurassien.
«La discussion a été très constructive, nous avons reçu beaucoup d’informations dont nous avions besoin pour prendre une décision», a déclaré à la Radio suisse romande (RSR) et à la Télévison suisse romande (TSR) Charles Juillard, interrogé à l’issue de la rencontre. «Il n’y a à ce stade pas de divergences entre le Jura et la Confédération.»
Le Département fédéral de justice et police n’a guère été plus disert. Interrogé par l’ATS, il évoque lui aussi une discussion «ouverte et constructive». Le département estime qu’après cette rencontre qui devait clarifier «des aspects techniques et financiers», le gouvernement jurassien devrait être en mesure d’apprécier tous les éléments pertinents et de prendre une décision.
La décision finale reviendra au Conseil fédéral. A titre humanitaire, il a déjà donné son aval à l’accueil d’un Ouzbek, qui devrait s’installer à Genève, seul autre canton avec le Jura à s’être dit prêt à accueillir un ex-détenu.
Dans le cas de deux Ouïghours, le gouvernement est soumis depuis plusieurs jours à une forte pression. Il devra prendre en compte l’avis de la commission de politique de sécurité du Conseil national. Par 15 voix contre 10, celle-ci lui a demandé la semaine dernière de renoncer à les accueillir, estimant que les considérations de sécurité et les relations avec la Chine prévalent sur l’action humanitaire.
L’ambassade de Chine à Berne a envoyé avant Noël une lettre à Eveline Widmer-Schlumpf, la priant de ne pas accueillir les deux Ouïghours, considérés par Pékin comme des terroristes présumés. Les relations sino-suisses pourraient être mises à mal, a-t-elle menacé.
Mais les deux Ouïghours bénéficient aussi de soutiens à Berne. Le groupe parlementaire pour les droits humains a demandé à la ministre de justice et police de ne pas céder à la pression. Ses membres, dont le conseiller aux Etats Dick Marty (PLR/TI), ont dénoncé «une campagne de dénigrement» lancée par les autorités chinoises.
Et l’avocate américaine de deux Ouïghours est également de passage en Suisse afin de plaider la cause de ses clients auprès des autorités jurassiennes et fédérales. Détenus depuis sept ans et demi, dont près de deux ans en isolement, les deux frères sont «les plus malchanceux des malchanceux» parmi les prisonniers de Guantanamo, a-t-elle expliqué jeudi.
Les autorités américaines avaient reconnu en 2003 déjà qu’elles avaient arrêté de manière abritraire les Ouïghours en Afghanistan et au Pakistan mais il a fallu attendre 2008 pour qu’une cour d’appel américaine conclue qu’ils ne représentaient pas une menace pour les Etats-Unis.
Selon Mme Gilson, si la Suisse dit non, la seule alternative pour les deux Ouïghours sera une prison de haute sécurité américaine dans l’Illinois. Le frère aîné a mal vécu l’isolement et a besoin d’un soutien psychologique.
Cinq ex-détenus Ouïghours ont déjà été accueillis par l’Albanie en 2006, quatre par les Bermudes en juin et six par l’archipel de Palau, dans l’océan Pacifique, en octobre.