Sous le titre «La voie de la Suisse vers l’avenir», c’est surtout du passé, de ceux qui ont fondé la Suisse, des soldats sacrifiés lors de la retraite de Russie et du conseiller fédéral Ulrich Ochsenbein (1811-1890) qu’il a été question dimanche, sur les bords du lac de Bienne, lors de la commémoration du refus de l’Espace économique européen en 1992. Avec un message de Christoph Blocher: «Le peuple doit demeurer vigilant, car le Conseil fédéral prépare une adhésion sournoise à l’UE.»

Salve d’artillerie, sonnailles et chant de la Berezina encadraient ainsi la manifestation officielle organisée notamment par l’UDC. Sans doute ne peut-on pas aimer la Suisse sans aimer aussi le son du canon, le sourd roulement des cloches à vache et les complaintes de la défaite. Même si les quelque 1500 personnes réunies sur la place Nicolas-Hayek, étaient là d’abord pour entendre le vainqueur du 6 décembre 1992, Christoph Blocher.

Alors que jamais les Suisses n’ont été aussi sceptiques face à l’UE et que, selon un sondage, 23% d’entre eux seulement jugent que le refus de l’EEE était une mauvaise décision, les organisateurs de dimanche n’ont pas le sentiment que leur discours sans concession, jetant la suspicion sur le parlement et le Conseil fédéral, contribue à entretenir une inutile division dans le pays. Leur souci serait de mettre en garde contre tout rapprochement en direction de l’UE par le biais d’accords bilatéraux. Que le Conseil fédéral, par la bouche de Didier Burkhalter ait redit, ce week-end, que l’option d’un nouveau vote sur l’EEE, relancée par Christophe Darbellay, n’entrait pas en ligne de compte n’a pas ébranlé les convictions. Selon la presse dominicale, l’option EEE bénéficierait toutefois du soutien de la démocrate-chrétienne Doris Leuthard, et des socialistes Simonetta Sommaruga et Alain Berset.

«Doris Leuthard et Didier Burkhalter poussent à un accord sur l’électricité qui servirait de modèle pour le reste de nos relations bilatérales. Or un tel accord aboutirait à la reprise automatique du droit européen, sans codécision», prévenait ainsi, avant la manifestation, le conseiller national Hans Fehr, l’un des responsables de la commémoration. Lorsque le Conseil fédéral affirme que sa priorité reste la voie bilatérale et rien qu’elle, refusant toute institution supranationale pour surveiller les accords, Hans Fehr n’en croit rien. «Le gouvernement cherche à endormir le peuple, car, dans le fond. il est incapable de résister aux pressions de Bruxelles.»

Le Conseil fédéral a d’ailleurs été la principale cible des trois orateurs, en raison de sa faiblesse face à une UE «toujours plus arrogante». Pour Christoph Blocher, «la Suisse se retrouve dans la même situation dangereuse qu’en 1992». Sous le couvert d’accords anodins, «on voudra nous faire accepter le droit européen existant et futur ainsi que des juges étrangers». Selon lui, ces accords font partie d’une stratégie dont le but final est de faire entrer la Suisse dans l’UE. Des assurances contraires du Conseil fédéral, il ne croit rien: «Quand il s’agit de l’UE, les mensonges ne font plus rougir personne à la Berne fédérale.» C’est ainsi un Christoph Blocher en verve qui s’en est pris à un exécutif qui ferait preuve de «désorientation, d’absence de concept et d’incapacité à diriger le pays». Et de reprocher au gouvernement de «ne pas indiquer à la Suisse la voie à suivre vers l’avenir».

Les manifestants, protégés par d’importantes forces de police malgré l’indifférence générale, ont entendu le professeur genevois Uli Windisch appeler le peuple suisse à la résistance contre «le monstre bureaucratique, technocratique, hiérarchique et autoritaire» que serait l’UE. Une Union dont on peut se demander si elle ne devenait pas un régime totalitaire comme autrefois le régime communiste… Car, a prévenu le professeur, «le danger ne vient pas que de l’extérieur. Nous avons des autorités trop facilement prêtes à accepter les diktats.»

La jeune députée tessinoise Laura Filippini a surtout évoqué la situation dramatique du Tessin liée à la libre circulation et au dumping salarial provoqué par l’afflux des frontaliers.

Le Conseil fédéral ferait preuve «d’absence de concept et d’incapacité à diriger le pays»