Réactions
Les autorités bernoises respectent le choix des Prévôtois, tout en annonçant des négociations de transfert fermes. Leurs homologues jurassiennes s’engagent à clore leur lutte

Longtemps tapi à Delémont, dans l’attente du résultat du scrutin, le gouvernement jurassien in corpore a marché sur Moutier en fin d’après-midi. Parlant «d’émotion intense et de joie immense», la présidente de l’exécutif, Nathalie Barthoulot (PS) a adressé un message de bienvenue et de reconnaissance aux quelque 7480 habitants de Moutier, qui feront augmenter la population jurassienne de 10% une fois le transfert de leur commune réalisé. «Cette victoire est la vôtre, celle des Prévôtois qui n’ont jamais renoncé à la quête de leur idéal». La socialiste a salué la campagne «positive» menée par les autonomistes de Moutier. Elle a voulu rassurer la minorité qui a voté pour le camp bernois. «Chaque Prévôtois aura sa place dans le canton du Jura».
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«Question jurassienne résolue»
Un mot enfin, celui qu’attendent les pro-bernois depuis longtemps. Nathalie Barthoulot a déclaré que, suite aux votes cet automne des deux dernières communes qui se prononceront sur leur appartenance cantonale, Belprahon et Sorvilier, «la question jurassienne sera résolue». Dans la rue, quelques minutes plus tard, le Groupe Bélier défilait toutefois en scandant le slogan historique des autonomistes: «Jura sud, Jura libre».
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Mais au niveau institutionnel, c’est bel et bien la fin. Le président de l’Assemblée interjurassienne, Dick Marty, l’a rappelé à Moutier: «Les communes avaient un terme pour demander l’organisation d’un vote. C’est terminé. Ces règles ont été fixées d’un commun accord entre les cantons de Berne et du Jura». Le Tessinois, satisfait de l’aboutissement d’un processus démocratique hors normes, qualifiait également le vote des Prévôtois de «cohérent» avec la politique locale. «Un non aurait compliqué les choses. C’aurait été un désaveu de toutes les élections politiques de ces dernières années dans la commune».
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Vers un «Mouxit» dur
Côté bernois, les visages des conseillers d’État cachaient mal leur sentiment personnel. Plutôt détendu, le président du Conseil-exécutif Bernhard Pulver a parlé de «regrets du canton de Berne», mais aussi de la possibilité désormais de «tourner une page douloureuse de notre histoire et de revenir à la normale». L’écologiste a souhaité rassurer la minorité francophone du canton de Berne. «Le Conseil-exécutif continuera de s’engager avec les Jurassiens bernois pour le développement de leur belle région. L’identité romande restera forte à Berne.»
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Tout autre ton pour le conseiller d’État Pierre Alain Schnegg, l’UDC romand du gouvernement bernois, personnellement lié à Moutier. La mine sombre, il a fortement douté de la volonté des Jurassiens du Nord de clore la question jurassienne. Il a aussi estimé que «la période qui s’ouvre pour la Prévôté sera difficile. Un imbroglio juridico-administratif rendra les collaborations nécessaires lourdes.» Et Pierre-Alain Schnegg de promettre des négociations «loyales, mais fermes» sur le transfert de Moutier dans le canton du Jura.
Des négociations qui prendront du temps
Son collègue Christoph Neuhaus, lui aussi UDC, a renchéri: le «Mouxit» comme il l’a qualifié prendra du temps. Entre 5 et 15 ans, estime-t-il. Il s’agira de négocier un concordat intercantonal qui sera soumis au vote des deux cantons, ainsi qu’au Parlement fédéral. Et Christoph Neuhaus de lister les possessions bernoises en terres prévôtoises: prison régionale, Ministère public, intendance des impôts, centre de formation, routes, etc. «Il y a là des choses à négocier», a-t-il conclu. Les populations ne seront toutefois vraisemblablement pas consultées sur l’ensemble des détails du transfert, mais sur le principe du rattachement de Moutier au canton du Jura.