Sauf que la décision du Parlement vise surtout à clore un débat qui n’a pas lieu d’être. Le 20 mai 1992, Lukas Reinmann n’avait pas encore dix ans lorsque la Suisse a officiellement demandé son adhésion à la Communauté économique européenne. Mais quelques mois plus tard, lors de la votation du 6 décembre 1992, les citoyens ont refusé de rejoindre l’Espace économique européen (EEE). La machine s’est donc arrêtée là. Depuis, c’est la voie bilatérale qui est privilégiée. Et tout le monde le sait. Un mouvement pro-européen a tenté de relancer le processus d’adhésion avec une initiative «Oui à l’Europe», rejetée en 2001. Et cet échec cuisant a encore conforté les partisans des bilatérales dans ce choix.
La demande d’adhésion de l’époque est néanmoins un argument régulièrement brandi par l’UDC pour se poser en défenseur de la souveraineté du pays face à des citoyens prêts à croire que le but final et non-avoué du Gouvernement helvétique est d’adhérer à l’UE. Si bien que la droite a décidé de suivre l’UDC, partant du principe que ce geste n’aurait pas de conséquence sinon de clarifier les choses une bonne fois pour toutes. «Tirons un trait. Sinon, on ne se débarrassera jamais de cette idée que nous cherchons à adhérer à l’UE», estime Karin Keller-Sutter (PLR/SG).
La gauche y était opposée, pour ne pas froisser davantage Bruxelles à un moment crucial. Alors que la Suisse cherche une solution acceptable pour l’UE afin d’appliquer l’initiative contre l’immigration de masse et que la question institutionnelle n’est toujours pas réglée, «nous n’avons pas besoin de cela», estime Anne Seydoux-Christe (PDC/JU), qui trouve cette motion «inutile, bizarre et ridicule». Didier Berberat (PS/NE) parle aussi d’une démarche «contre-productive qui mettrait de l’huile sur le feu en retournant le couteau dans la plaie». Mais en aparté, il ironise: «si une lettre datant de 1992 empêche l’UDC de dormir, si ça peut améliorer la qualité de son sommeil, c’est déjà ça».
Officiellement, le Conseil fédéral est opposé à la motion. Avec un autre argument formel: à l’époque, la demande avait été adressée à une institution (la Communauté européenne) qui n’existe plus depuis le Traité de Maastricht. On parle aujourd’hui d’Union européenne, a rappelé Didier Burkhalter. Mais on sent aussi chez le conseiller fédéral une envie d’en finir avec ce thème. Il ne s’en est pas caché ni en mars devant le Conseil national, ni ce mercredi devant le Conseil des Etats. Reste plus qu’à écrire cette lettre.