Social
Piloté par le nouveau ministre UDC Pierre-Alain Schnegg, un projet de réforme de l’aide sociale prévoit de réduire le forfait d’entretien de 10%. Ce qui est contraire aux normes intercantonales.

Dans le canton de Berne, l’année 2017 commence dans la polémique. La réforme de l’aide sociale que le Conseil d’Etat a présentée mardi, premier jour ouvrable de l’année, a suscité de virulentes réactions de la gauche et de la Ville de Berne, qui contestent son bien-fondé. Ce projet prévoit de réduire de 10% le forfait de base accordé aux bénéficiaires de l’aide sociale, une mesure sans précédent dans l’histoire de l’aide sociale en Suisse.
Le projet est piloté par le nouveau ministre des affaires sociales, l’UDC romand Pierre-Alain Schnegg, qui a pris au printemps dernier la succession du socialiste Philippe Perrenoud. Il répond à une demande formulée par le parlement en 2013 déjà. Selon la presse bernoise, les grandes lignes de la réforme ont été dessinées par le chef du département sans égard pour les réticences de ses services.
Lire aussi notre éditorial: A Berne, coup de semonce pour l’aide sociale
Coût et efficacité
Le gouvernement bernois, préoccupé par un coût et un taux d’aide sociale supérieurs à la moyenne suisse, entend d’une part faire des économies. La mesure doit permettre un allégement annuel de l’ordre de 15 à 25 millions de francs pour l’Etat et les communes.
S’y ajoute un argument d’efficacité: la diminution des subsides doit rendre plus attrayant l’exercice d’une activité lucrative. En contrepartie, le «supplément d’intégration» versé avec le subside de base sera rétabli dans sa version ancienne, après avoir été raboté en 2014. Par ailleurs, la franchise de revenu (la somme que l’on peut tirer d’une activité lucrative sans être pénalisé au niveau du subside social) passera de 600 à 700 francs.
Des exceptions et des sanctions supplémentaires
La baisse de 10% du «forfait d’entretien» aurait pour effet de diminuer d’environ 100 francs le subside mensuel de base par personne, qui est actuellement de 986 francs. Des exceptions sont prévues pour les bénéficiaires de 60 ans et plus, ainsi que pour les familles monoparentales ayant à charge un bébé de moins de douze mois.
En revanche, des diminutions de subsides de plus de 10% sont envisagées pour certaines catégories: de 15% pour les jeunes adultes entre 18 et 25 ans; de 15% aussi pour les réfugiés au bénéfice d’une admission provisoire et qui sont toujours sans travail au bout de sept ans; de 30% même pour les bénéficiaires de l’aide sociale qui n’atteignent pas le niveau de base (A1) en allemand ou en français.
Des coupes qui s’en prennent aux plus faibles
Ces propositions, dont le détail doit être réglé par une loi ces prochains mois, ont suscité des réactions indignées de la Ville de Berne et de la conférence bernoise des institutions sociales. La direction des affaires sociales de la capitale fédérale dénonce «ces coupes qui s’en prennent aux plus faibles», déplorant que les réductions envisagées touchent principalement les enfants et les jeunes. Ceux-ci forment aujourd’hui le plus grand groupe de bénéficiaires de l’aide sociale. La Ville de Berne annonce qu’elle combattra «par tous les moyens» la réforme dans son état actuel. Le parti socialiste bernois menace de son côté de lancer le référendum, visiblement peu confiant dans le fait que le parlement cantonal puisse remettre fondamentalement en question les axes forts de la réforme.
Mais la polémique ne manquera pas de dépasser le cadre bernois: le projet piloté par Pierre-Alain Schnegg marque une rupture avec le consensus intercantonal régnant jusqu’à présent dans le domaine de l’aide sociale. Ces deux dernières années, à la demande des directeurs cantonaux des affaires sociales, les normes en vigueur (les normes CSIAS) ont déjà été revues à la baisse pour les jeunes adultes et les familles nombreuses. Ces mesures avaient pour objectif de calmer l’inquiétude, perceptible notamment en Suisse alémanique, face à l’augmentation des coûts de l’aide sociale.
Cas isolé ou brèche?
En revanche, les cantons s’étaient mis d’accord pour ne pas toucher au montant du subside de base, ce forfait d’entretien auquel le gouvernement bernois s’attaque. Cas isolé ou brèche dans laquelle d’autres cantons vont s’empresser de s’engouffrer? C’est la question qui se pose désormais. «Notre inquiétude est grande, explique Markus Kaufmann, secrétaire général de la Conférence suisse des institutions d’aide sociale (CSIAS). Nous avions trouvé une formule unitaire pour toute la Suisse, mais maintenant le canton de Berne veut descendre en dessous de cette norme.»
Priorité à la formation
Cheffe du service de prévoyance et d’aide sociale du canton de Vaud, Françoise Jaques réagit au cas bernois en expliquant la politique «toute différente» mise en œuvre dans son canton. Révisée en 2016, la loi sur l’action sociale a été votée à l’unanimité des députés. Elle prévoit une petite baisse du subside pour les 18-25 ans, mais contient «une forte incitation à entrer en formation.» Les bourses dont peuvent disposer les apprentis sont étendues aux jeunes qui entrent dans une «mesure de préparation à l’apprentissage.» C’est en favorisant un vrai changement de leur situation professionnelle que l’on peut aider les gens à ne pas s’installer dans l’aide sociale, estime en substance la cheffe de service.