La droite nationaliste ressort ses épouvantails
Campagne
L’initiative UDC sur l’autodétermination risque l’échec dans les urnes. L’aile dure tente d’infléchir le cours de la campagne avec le ton coup-de-poing auquel le parti a habitué son électorat

Jusqu’ici, la campagne de l’UDC a surpris par son ton mesuré. Ses affiches montrent de jeunes gens sympathiques, affirmant voter oui à l’initiative sur l’autodétermination pour «protéger la démocratie». Or la stratégie, apparemment, ne porte pas ses fruits. Les sondages prédisent 60% de non à l’initiative UDC. Dans un mouvement de panique de dernière minute, les hardliners du parti tentent d’inverser la tendance en usant de vieilles ficelles: la peur de l’islam et de l’immigration.
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Les dernières affiches appelant à voter oui le 25 novembre, publiées en fausses unes du titre gratuit de Tamedia 20 Minuten – 436 344 tirages en Suisse alémanique –, sortent du placard les épouvantails de la droite nationaliste. Sur la première affiche parue le 20 novembre, un minaret avec ce slogan: «Les juges turcs devraient-ils avoir le droit de casser notre décision d’interdire les minarets?» Le lendemain, sur une nouvelle pleine page du 20 Minuten, une esquisse montre deux colonnes d’étrangers passant la frontière suisse. Au milieu, une caricature de Simonetta Sommaruga s’exclamant: «Entrez donc!» Dans une pirouette, le slogan affirme que voter oui à l’autodétermination revient à s’opposer au Pacte mondial pour les migrations de l’ONU.
Une opération de communication à 329 000 francs
L’UDC affirme n’avoir rien à voir avec ces affiches. Le conseiller national zurichois Thomas Matter, responsable de la campagne pour l’autodétermination, valide la stratégie «neutre» adoptée jusqu’ici par son parti. Mais il accueille «tout type de soutien» à bras ouverts.
Derrière cette opération, deux comités: celui d’Egerkingen, qui a aussi lancé l’initiative contre les minarets acceptée en votation populaire en 2009. Et le nouveau «comité de défense de la démocratie directe», fondé il y a tout juste une semaine par les conseillers nationaux UDC Andreas Glarner et Hans-Ueli Vogt, père de l’initiative pour l’autodétermination. Andreas Glarner évite soigneusement de critiquer le style adopté par son parti dans cette campagne. Il dit avoir agi pour répondre à la demande d’une poignée de citoyens inquiets que certains thèmes soient occultés, mais refuse d’indiquer qui sont ces généreux donateurs. A 164 500 francs la page, ce n’est pas un petit investissement. «Le vote pourrait se jouer à quelques milliers de voix dimanche, au moins nous aurons fait notre possible», justifie l’élu.
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Quitte à diffuser de fausses informations. Si la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) était amenée à se prononcer sur l’interdiction des minarets (en cas de plainte jugée recevable), les juges de Strasbourg pourraient condamner la loi suisse, mais ils ne sont pas en mesure de casser une décision. Quant à la mention des «juges turcs», elle sème aussi la confusion: les 47 juges des pays ayant ratifié la CEDH pourraient compter un Turc tout au plus, élu comme les autres par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Sans compter que les décisions sont prises à sept, au moins.
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