Les exportations d’armes seront mieux encadrées
Sécurité
Une initiative populaire avait été lancée contre l’assouplissement des règles d’exportation de matériel de guerre. Le Conseil fédéral présentera un contre-projet

La décision avait scandalisé. En juin 2018, le ministre de l’Economie de l’époque, Johann Schneider-Ammann, annonçait l’intention du Conseil fédéral d’assouplir les dispositions qui règlent l’exportation de matériel de guerre vers un pays confronté à un conflit armé interne. Demandé par l’industrie d’exportation, cet assouplissement n’aurait pas concerné des pays tels que le Yémen ou la Syrie, assurait-il alors. Cette décision était d’ailleurs de la compétence du Conseil fédéral, estimait-il, car elle relevait d’une ordonnance et non d’un article de loi.
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Cette perspective a déclenché une avalanche de réactions. Le Parti bourgeois-démocratique (PBD) a déposé une motion demandant que le parlement puisse se prononcer. Elle avait été acceptée par le Conseil national en septembre 2018 (le Conseil des Etats la rejettera par la suite). Un mois plus tard, Johann Schneider-Ammann annonçait que le Conseil fédéral renonçait à son projet. Cela n’a pas empêché le lancement d’une initiative populaire dite de rectification ou «initiative correctrice», qui demande que l’on en revienne au régime en vigueur jusqu’en 2014.
Coalition du centre et de la gauche
Ce texte a été initié par une large coalition, qui comprend l’ensemble du camp rose-vert, le PBD, le Parti vert’libéral et une vingtaine d’ONG. Il exige l’interdiction d’exporter du matériel de guerre dans des pays qui violent systématiquement et gravement les droits de l’homme, indépendamment du fait que cet armement puisse servir ou non à commettre de telles violations.
Intitulée «Contre les exportations dans des pays en proie à la guerre civile», l’initiative populaire a abouti. Elle a été déposée en juin, munie de 126 000 signatures valables. Le Conseil fédéral la rejette, mais il a décidé vendredi de lui opposer un contre-projet indirect. Celui-ci sera présenté par le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, qui n’en voulait pas au départ, au plus tard en décembre 2020. Deux variantes sont en discussion.
Une variante avec exceptions, l’autre sans
La première transfère dans la loi les compétences figurant dans l’ordonnance. En d’autres termes, toute décision d’assouplissement devrait être avalisée par le parlement. Elle prévoit cependant une exception: le Conseil fédéral conserverait la possibilité de décréter un assouplissement limité dans le temps. «Cette dérogation est nécessaire, car le Conseil fédéral doit pouvoir, dans des circonstances exceptionnelles, réagir rapidement au titre de la politique extérieure ou de la politique de sécurité», lit-on dans le communiqué diffusé vendredi. La seconde variante est identique à la première, à la différence qu’elle ne prévoit pas cette exception.
Le comité d’initiative entre en matière sur le principe d’un contre-projet. L’essentiel est que les compétences décisionnelles sur ce sujet sensible soient ancrées dans une loi et non dans une ordonnance. Il exige que les exportations soient interdites vers tout pays impliqué dans un conflit civil interne ou international. Cela concernerait aussi l’Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis, impliqués dans la guerre au Yémen, argumente-t-il.