Face au virus, le Conseil fédéral est sous la forte pression des cantons
Coronavirus
Alors que les cantons durcissent peu à peu les mesures prises vendredi dernier par le gouvernement suisse, celui-ci tergiverse, malgré une séance de crise tenue dimanche soir. En un jour, le nombre de cas a augmenté de 800 dans tout le pays

Ce dimanche, le Conseil fédéral est resté muet et n’a pas pris de nouvelles mesures dans sa lutte contre le coronavirus, bien qu’il ait tenu une séance de crise en début de soirée. Mais la Suisse bascule de plus en plus dans l’état d’urgence. Dans tous les cantons, les ministres de la Santé ont travaillé d’arrache-pied avec leurs états-majors de crise. Comme il fallait s’y attendre, le Tessin, le plus touché de par sa situation géographique, a été le premier à aller beaucoup plus loin que le Conseil fédéral. Samedi soir déjà, il a décrété la fermeture de tous les restaurants, cafés, bars et magasins non alimentaires. Ce dimanche, Bâle-Campagne, le Jura et Neuchâtel lui ont emboîté le pas, décidant tous la fermeture des restaurants notamment. Neuchâtel interdit même toutes les manifestations publiques.
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Dans les cantons, c’est donc la mobilisation générale. «Nous sommes passés d’une crise sanitaire à une crise totale», note le ministre neuchâtelois de la Santé, Laurent Kurth. La courbe des cas de Covid-19 continue à afficher une croissance exponentielle. De samedi à dimanche, le nombre de personnes infectées par le coronavirus a augmenté de plus de 800, passant de 1358 à 2200, le point étant fait à 13h par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Seul élément un tant soit peu rassurant: le nombre de décès n’est passé que de 13 à 14.
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La fermeture de la frontière italienne
Alors que, vendredi, le Conseil fédéral avait convaincu beaucoup de monde en montant sensiblement en puissance dans le durcissement des mesures, ce n’est plus le cas deux jours plus tard. A Genève, à Zurich et dans certaines stations de ski en Valais, trop de gens – surtout des jeunes – ont continué à faire la fête comme si de rien n’était. Pour l’instant du moins, l’appel lancé par tous les directeurs cantonaux de la Santé de la Suisse latine, du Genevois Mauro Poggia au Tessinois Raffaele De Rosa, n’a pas été entendu.
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A l’unisson, le Tessin comme le Valais réclament une fermeture beaucoup plus hermétique de la frontière avec l’Italie, y compris pour les frontaliers, en demandant aux entreprises suisses qui les emploient de leur offrir un toit en Suisse. Le Conseil fédéral ne l’a pas fait, se contentant de renforcer les contrôles Schengen au sud des Alpes. «Il a manqué de courage en adoptant une tactique du salami», se désole le vice-président de l’UDC, Marco Chiesa. Celui-ci, qui a rencontré Alain Berset lundi dernier pour lui présenter ses requêtes, se défend de faire de la politique politicienne. «Il faut absolument stopper la mobilité entre le Tessin et la Lombardie», insiste-t-il. Sur ce point, le conseiller d’Etat valaisan Christophe Darbellay, chef du Département de l’économie et de la formation, est sur la même longueur d’onde. «Il faut fermer la frontière du Valais avec l’Italie, car la situation actuelle est totalement insatisfaisante concernant les frontaliers. Les grandes entreprises ont déjà pris des mesures pour les héberger en Suisse», déclare-t-il.
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Augmenter les tests
Autre critique faite au Conseil fédéral, le fait d’avoir abandonné le dépistage systématique des cas de coronavirus en se concentrant uniquement sur les personnes à risque. «Une erreur», selon l’expert en génomique et en infectiologie à l’EPFL et au CHUV Jacques Fellay. «La Suisse devrait réaliser des diagnostics à grande échelle pour mieux connaître l’ampleur de l’épidémie», affirme-t-il. Actuellement, tous les laboratoires en Suisse ne peuvent absorber que 2000 tests par jour. «Nous examinons la possibilité de monter en puissance en évaluant plusieurs variantes, éventuellement avec l’appui de l’armée», déclare-t-on à l’OFSP. Son commandant en chef, Thomas Süssli, est prêt à passer à l’action. Un heureux hasard veut qu’un des quatre bataillons d’hôpitaux entre en service ce lundi 16 mars. L’armée pourrait apporter une aide aux hôpitaux, dont la grande crainte est d’être surchargés par un afflux massif de patients. Elle dispose de 200 respirateurs, ce qui augmente de 25% leur nombre – qui est d’environ 800 en Suisse.
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Partout dans les cantons, les états-majors de crise ont travaillé à plein régime ce week-end. D’une part pour mettre en œuvre les décisions du Conseil fédéral de vendredi dernier, et d’autre part pour examiner leur durcissement. Genève et Vaud n’ont pas communiqué ce dimanche à ce sujet. De son côté, le ministre bernois de la Santé, Pierre Alain Schnegg, s’attend aussi à de nouvelles mesures: «La course contre la montre pour que le système de santé ne soit pas débordé a commencé.»