Femmes sénatrices: la génération 2019
Conseil des Etats
Alors qu’on craignait le pire pour la représentation féminine au Conseil des Etats, ce scénario catastrophe devrait être évité, grâce surtout à la politique volontariste de la gauche

Actuellement, le Conseil des Etats ne compte que sept femmes, soit 15% seulement de ses 46 membres. Lorsque avant Noël, ils se sont aperçus que six d’entre elles le quittaient cette année pour des raisons diverses, les médias comme les partis ont tiré la sonnette d’alarme. Aujourd’hui, il est déjà possible d’affirmer que le scénario du pire sera écarté. Une analyse dans les cantons montre que le prochain sénat sera composé de sept à dix femmes, un chiffre qui reste pourtant encore dérisoire.
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Le 6 janvier dernier, le président du PSS Christian Levrat s’est voulu rassurant. Il le doit, lui dont le parti a décrété que 2019 serait une «année féministe». «Notre but est de maintenir, voire même de renforcer notre représentation féminine», a-t-il déclaré. C’est surtout la gauche, où le principe de parité est entré dans les mœurs depuis vingt ans au moins, qui fera le job. Et c’est la Suisse occidentale qui sauvera l’honneur des femmes, où l’une d’entre elles au moins a des chances d’être élue dans presque tous les cantons.
Vaud
A gauche, Ada Marra tentera de succéder à Géraldine Savary, qui a démissionné après l’affaire que l’on sait. La passionaria du PS vaudois, qui a déjà pris le relais à la vice-présidence du parti national, est pour l’instant la seule à avoir déclaré son intérêt pour la Chambre haute. Elle connaît parfaitement la machine parlementaire. Elle est entrée au Conseil national en 2007 et siège dans l’une des plus importantes de ses commissions, celle de l’Economie. Très marquée à gauche, elle recueillera moins de suffrages en dehors de son camp, mais elle dispose de solides soutiens dans les milieux catholiques.
A droite, pas de femme en vue pour l’instant. Le PLR Olivier Français, qui a ravi le siège du Vert Luc Recordon en 2015, devrait être réélu.
Genève
Dans ce canton clairement à claire majorité bourgeoise, c’est pourtant la gauche qui a occupé les deux sièges du Conseil des Etats avec Liliane Maury Pasquier (PS) et Robert Cramer (Les Verts) durant trois législatures. A leur retraite, la droite devrait logiquement reconquérir au moins l’un des deux mandats. Mais cela, c’était avant l’affaire Maudet, dont il est difficile de prévoir quelles traces elle laissera durant la campagne. Le risque qu’elle ait lézardé l’Entente – qui partira avec un duo formé d’Hugues Hiltpold (PLR) et de Béatrice Hirsch (PDC) – est réel.
Dans ce contexte, la Genevoise qui a le plus de chances d’être élue au Conseil des Etats est probablement la Verte Lisa Mazzone, qui fera équipe avec le socialiste Carlo Sommaruga. Omniprésente à la tribune (c’est la championne de tous les élus romands) et dans les médias, la vice-présidente des Verts suisses a déjà acquis une stature nationale malgré sa jeunesse (30 ans).
Neuchâtel
C’est dans l’Arc jurassien que la situation paraît le plus favorable pour les femmes, dans les cantons de Neuchâtel et du Jura où l’élection se joue au système proportionnel. A Neuchâtel, le PS a déjà retenu le principe d’un double ticket féminin composé de Silvia Locatelli et Martine Docourt, avec un léger avantage pour la première. La Chaux-de-Fonnière a présidé le PS cantonal durant deux ans. Après avoir été syndicaliste dans le domaine de la construction, elle est actuellement chargée de mission au Secrétariat général du Département de l’économie et de l’action sociale (DEAS) dirigé par Jean-Nat Karakash.
Du côté du PLR, c’est en principe Philippe Bauer qui devrait succéder à Raphaël Comte, même si rien n’est encore décidé.
Jura
Le PS jurassien attend avec impatience la décision de son ex-ministre Elisabeth Baume-Schneider, qui assume depuis quatre ans la direction de l’Ecole d’études sociales et pédagogiques de Lausanne. Après avoir siégé à la Conférence des directeurs de l’instruction publique (CDIP) puis à la Conférence des gouvernements cantonaux, la Franc-Montagnarde a tous les atouts pour succéder à Claude Hêche au Conseil des Etats. Une chose est sûre: elle ne pourra pas rester directrice d’école tout en siégeant à Berne. «Je n’ai pas encore pris ma décision», déclare-t-elle.
Au PDC, Anne Seydoux-Christe devrait logiquement être remplacée par Charles Juillard. Le ministre des Finances et vice-président du PDC suisse s’impose en candidat naturel, mais le PDC cantonal ne désignera son poulain qu’en juin prochain.
Valais
Marianne Maret pourrait bien écrire une page d’histoire en devenant la première Valaisanne à siéger au Conseil des Etats. Elle est la candidate officielle du PDC du Valais romand pour succéder à Jean-René Fournier. Cette éducatrice de la petite enfance, longtemps présidente de Troistorrents, députée et vice-présidente de son parti n’a pas la notoriété de son prédécesseur, mais le Valais n’a jusqu’à présent envoyé que des démocrates-chrétiens au sénat à Berne. Durant la campagne, elle devra cependant batailler ferme face à des conseillers nationaux qui ont déjà fait leurs preuves au Conseil national, comme le PLR Philippe Nantermod et le socialiste Mathias Reynard.
Fribourg
C’est le canton où il y aura probablement le moins de suspense. Les deux sortants, le PDC Beat Vonlanthen et le président du PS Christian Levrat se représentent. Face à eux, le PLR joue la carte de la jeunesse: le conseiller national et directeur des paysans suisses Jacques Bourgeois s’est effacé au profit de la députée bulloise Johanna Gapany (30 ans), qui promet d’offrir «une alternative axée sur les valeurs libérales».
Berne
Le retrait inattendu du conseiller aux Etat du PBD Werner Luginbühl ouvre la voie à une femme, à savoir la conseillère d’Etat et cheffe des Finances Beatrice Simon. Par deux fois, la Seelandaise a réalisé le meilleur score lors des élections au Conseil-exécutif bernois. Autant dire qu’elle n’a rien à craindre d’une élection au système majoritaire, même si la course face à l’ex-maire de Bienne Hans Stöckli (PS) et au conseiller national Werner Salzmann (UDC) sera serrée.
A noter encore que plusieurs autres femmes – et pas les moins connues – se lancent dans la bagarre: la PLR Christa Markwalder, la présidente des Verts Regula Rytz et la présidente d’Alliance F Kathrin Bertschy (Vert’libéraux). Mais la force relative de leur parti dans le canton leur autorise peu d’espoirs d’être élues.
Bâle
En renonçant à être candidat au Conseil des Etats, Beat Jans évite un psychodrame à son parti. Il laisse le champ libre à la conseillère d’Etat Eva Herzog, qui se positionne à l’aile droite. Voici deux ans, elle avait été une ardente avocate de la troisième réforme de la fiscalité des entreprises, contre son parti qui l’avait fait échouer en votation. En l’occurrence, elle correspond exactement au profil de la femme de gauche pragmatique capable de séduire une bonne partie de l’électorat de droite.
En face, le camp bourgeois disposerait d’une candidate compétente en la personne de la présidente des libéraux Patricia von Falkenstein. Mais les cinq partis qui le composent hésitent beaucoup à se mettre d’accord sur une candidature et une stratégie commune.
Et les femmes de droite?
Après l’élection au Conseil fédéral de Karin Keller-Sutter (PLR), les femmes de droite risquent fort d’être les grandes absentes du prochain Conseil des Etats. Si tout se passe bien, il y restera quelques personnalités du centre droit, puis c’est le néant. Le PLR comme l’UDC, mais aussi le PDC, préfèrent renoncer à la politique volontariste pratiquée par la gauche. Pour eux, les listes paritaires et les quotas restent un tabou. «La compétence doit primer sur le genre», répètent-ils en chœur. Selon eux, les partis bourgeois ne sont pas moins sensibles à la promotion des femmes. «J’ai toujours fait d’énormes efforts pour recruter des femmes. Le fait est que les hommes se mettent plus souvent à disposition que les femmes», déclare Marianne Binder, présidente du PDC argovien et candidate au Conseil des Etats. Qui conclut par cet inquiétant constat: «67% des femmes votent comme voici quatre-vingts ans, soit en boudant les urnes.»