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Le foie gras est-il sur la sellette?

L’initiative «Fair Food» pour des aliments équitables, qui veut lutter contre les denrées provenant de modes de production cruels, relance le débat sur le foie gras, régulièrement conspué par les défenseurs des animaux

Un laboratoire de fabrication de foie gras à Cahors, dans le sud-ouest de la France, en 2013.  — © AFP / REMY GABALDA
Un laboratoire de fabrication de foie gras à Cahors, dans le sud-ouest de la France, en 2013.  — © AFP / REMY GABALDA

C’est devenu un marronnier. Chaque année à l’approche des fêtes de Noël, les défenseurs des animaux partent à l’assaut du foie gras, perçu comme le symbole de la souffrance animale. Le débat promet cette fois d’être particulièrement tendu en raison de l’initiative «Fair Food» pour des aliments équitables, qui veut renforcer l’offre en aliments de qualité, issus de modes de production écologiques, sociaux et respectueux du bien-être animal. Selon le texte, «les produits issus de la maltraitance animale» devraient être évités, voire, quand c’est possible, bannis. Du point de vue légal, le statut du foie gras est ambigu: seul le gavage est formellement interdit par l’ordonnance fédérale sur la protection des animaux.

C’est donc uniquement des produits étrangers qu’on retrouve sur les tables gastronomiques de Suisse. En 2017, 235,68 tonnes de foie gras ont été importées, principalement en provenance de France (84,7%), mais aussi de Hongrie (7%) et de Bulgarie (6,3%). Des chiffres en baisse depuis 2015 où les importations représentaient encore 285,773 tonnes. Jusque-là, les statistiques enregistraient une hausse régulière: il y a dix ans, seules 249,186 tonnes de foie gras traversaient la frontière, 153,114 il y a vingt ans.

© Web/DR ©
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Après des années de contestation, le foie gras est-il définitivement sur la sellette? Pas si sûr. En cas de oui le 23 septembre, le parlement se chargera d’élaborer une loi d’application. Membre du comité, la conseillère nationale verte Adèle Thorens ne vise pas une interdiction totale, difficile à conjuguer avec le droit international, mais des mesures alternatives. A commencer par un meilleur étiquetage. «La mention «Ce produit est issu d’un procédé cruel» sur les emballages se révèle efficace pour exclure un produit du marché, affirme-t-elle, on l’a vu avec les œufs issus de l’élevage en batterie.»

Détaillants divisés

Autres possibilités: surtaxer les produits issus de la cruauté animale et établir des conventions d’objectifs avec les détaillants de manière à fournir un produit respectueux des animaux et de meilleure qualité. Pour Adèle Thorens, des ouvertures existent avec la grande distribution, divisée sur la question. Depuis seize ans déjà, Coop et Denner ne vendent plus de produits issus d’animaux gavés, y compris le foie gras, en vertu du «bien-être animal». Migros, en revanche, continue la commercialisation en Suisse romande et au Tessin uniquement.

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«Les coopératives régionales sont libres de définir leurs propres assortiments, précise Tristan Cerf, porte-parole de Migros. En Suisse romande, la demande est forte en fin d’année. Les coopératives concernées y répondent en vendant un foie gras de canard contrôlé provenant exclusivement de petits producteurs du sud-ouest de la France.»

Effets pervers?

Selon ses détracteurs, l’initiative «Fair Food», trop restrictive, n’aura que des effets pervers: stimuler le tourisme d’achat et faire augmenter les prix en Suisse. De faux arguments pour Adèle Thorens: «Le foie gras n’est pas un produit de première nécessité, mais un produit de luxe. De plus, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la cause animale; implanter une production durable permettrait à un nouveau marché d’émerger. On lutte contre le tourisme d’achat avec une stratégie de qualité.»

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Pour Philippe Ligron, responsable de la Food Experience à l’Alimentarium de Vevey et ancien professeur à l’Ecole hôtelière de Lausanne, la loi sur le foie gras est mal faite: «On ferait mieux d’interdire tout simplement l’importation de foie dont on ne contrôle pas les méthodes de production et autoriser une production locale naturelle. Cela donnerait du travail à nos paysans.» Il admet toutefois que l’engraissement naturel est plus lent que le gavage. «Lorsque les oies se gavent naturellement avant les migrations saisonnières, cela n’aboutit qu’à de petits foies de 150 g environ, loin des 600 g qu’on trouve actuellement sur le marché.»

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Quelle que soit l’issue du vote, les ennemis du foie gras n’ont pas dit leur dernier mot. Le collectif Alliance animale suisse prépare actuellement une initiative visant à empêcher les produits interdits en Suisse d’être importés. Le texte, qui ancrerait ce principe dans la Constitution, sera déposé prochainement à la Chancellerie fédérale.

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