Après des années de contestation, le foie gras est-il définitivement sur la sellette? Pas si sûr. En cas de oui le 23 septembre, le parlement se chargera d’élaborer une loi d’application. Membre du comité, la conseillère nationale verte Adèle Thorens ne vise pas une interdiction totale, difficile à conjuguer avec le droit international, mais des mesures alternatives. A commencer par un meilleur étiquetage. «La mention «Ce produit est issu d’un procédé cruel» sur les emballages se révèle efficace pour exclure un produit du marché, affirme-t-elle, on l’a vu avec les œufs issus de l’élevage en batterie.»
Détaillants divisés
Autres possibilités: surtaxer les produits issus de la cruauté animale et établir des conventions d’objectifs avec les détaillants de manière à fournir un produit respectueux des animaux et de meilleure qualité. Pour Adèle Thorens, des ouvertures existent avec la grande distribution, divisée sur la question. Depuis seize ans déjà, Coop et Denner ne vendent plus de produits issus d’animaux gavés, y compris le foie gras, en vertu du «bien-être animal». Migros, en revanche, continue la commercialisation en Suisse romande et au Tessin uniquement.
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«Les coopératives régionales sont libres de définir leurs propres assortiments, précise Tristan Cerf, porte-parole de Migros. En Suisse romande, la demande est forte en fin d’année. Les coopératives concernées y répondent en vendant un foie gras de canard contrôlé provenant exclusivement de petits producteurs du sud-ouest de la France.»
Effets pervers?
Selon ses détracteurs, l’initiative «Fair Food», trop restrictive, n’aura que des effets pervers: stimuler le tourisme d’achat et faire augmenter les prix en Suisse. De faux arguments pour Adèle Thorens: «Le foie gras n’est pas un produit de première nécessité, mais un produit de luxe. De plus, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la cause animale; implanter une production durable permettrait à un nouveau marché d’émerger. On lutte contre le tourisme d’achat avec une stratégie de qualité.»
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Pour Philippe Ligron, responsable de la Food Experience à l’Alimentarium de Vevey et ancien professeur à l’Ecole hôtelière de Lausanne, la loi sur le foie gras est mal faite: «On ferait mieux d’interdire tout simplement l’importation de foie dont on ne contrôle pas les méthodes de production et autoriser une production locale naturelle. Cela donnerait du travail à nos paysans.» Il admet toutefois que l’engraissement naturel est plus lent que le gavage. «Lorsque les oies se gavent naturellement avant les migrations saisonnières, cela n’aboutit qu’à de petits foies de 150 g environ, loin des 600 g qu’on trouve actuellement sur le marché.»
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Quelle que soit l’issue du vote, les ennemis du foie gras n’ont pas dit leur dernier mot. Le collectif Alliance animale suisse prépare actuellement une initiative visant à empêcher les produits interdits en Suisse d’être importés. Le texte, qui ancrerait ce principe dans la Constitution, sera déposé prochainement à la Chancellerie fédérale.
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