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Jean-Philippe Gaudin: «La protection du citoyen en Suisse est un tabou»

Le directeur du Service de renseignement de la Confédération demande une révision de la loi sur le renseignement pour mieux contrôler l’extrémisme violent en Suisse. Une menace que l’on sous-estime, mais qui devrait être traitée comme le terrorisme ou l’espionnage, estime-t-il

Jean-Philippe Gaudin, directeur du Service de renseignement de la Confédération, en janvier 2020 à Berne. — © 2020 Béatrice Devènes
Jean-Philippe Gaudin, directeur du Service de renseignement de la Confédération, en janvier 2020 à Berne. — © 2020 Béatrice Devènes

Nommé au poste de directeur du Service de renseignement de la Confédération (SRC) il y a dix-huit mois par le conseiller fédéral Guy Parmelin, Jean-Philippe Gaudin veut imposer son rythme. Le militaire de carrière sait se montrer ferme face aux Etats qui nous espionnent, à commencer par la Russie. Mais il veut aussi renforcer ses moyens de recherche sur l’extrémisme violent en Suisse. Il appuie pour cela une révision de la loi sur le renseignement (LRens) afin de mettre sur pied d’égalité menaces extérieures et menaces intérieures. Il s’en explique pour la première fois lors d’un entretien qui s’est tenu dans son bureau.

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Le Temps: Comment devient-on chef du renseignement?

Jean-Philippe Gaudin: Il faut être un patriote convaincu, fier de son pays et de ses institutions. Toute ma vie j’ai défendu les mêmes valeurs: la liberté, la démocratie, les minorités. Depuis trente-trois ans, j’ai voué ma carrière à la sécurité de mon pays. Mais je n’ai jamais pensé que je deviendrais le chef du renseignement suisse, même si j’étais passionné par le renseignement. J’ai été un militaire de carrière. Après un cours à l’étranger, au Collège de défense de l’OTAN, le chef du renseignement militaire m’a proposé de le rejoindre, puis j’en suis devenu le chef en 2008. Fin 2015, je suis parti à Paris comme attaché de défense en pensant que le renseignement, c’était terminé. Deux ans plus tard, un nouveau conseiller fédéral m’a demandé de reprendre la direction du Service de renseignement de la Confédération.

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© Sam Bosshard
© Sam Bosshard

Cela ne se refuse pas.

J’ai pris le temps de réfléchir avec mon épouse. Sept ans de renseignement militaire, c’était déjà quelque chose. Là, c’était une autre ligue. Cela n’allait pas de soi d’accepter un job civil. Je suis un militaire dans l’âme. Aujourd’hui, je suis heureux d’avoir accepté, c’est passionnant.

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Votre profil est inhabituel?

Cela a toujours été un civil jusqu’ici, mais rien n’est inscrit dans le marbre. Au parlement, on me trouve encore un peu martial. Mais je m’améliore, et si c’est le seul reproche, ça va!

En vous rasant le matin, quelle est la première menace qui vous vient en tête?

La première menace reste le terrorisme islamiste radical. Elle peut nous frapper n’importe quand. Elle n’a pas disparu avec le califat, bien au contraire. Avant, on savait où les gens étaient, aujourd’hui, c’est devenu plus complexe. Le retour des voyageurs du djihad complique encore la donne. Il y a des milliers de combattants djihadistes qui sont dans la nature entre la Syrie et l’Irak. On parle d’un califat 2.0. L’idéologie de l’Etat islamique n’est pas morte. Elle continue de motiver des populations souvent dans la précarité, des jeunes sans futur qui se laissent facilement embrigader, y compris en Suisse. La menace reste identique depuis 2015, c’est-à-dire élevée. La bonne nouvelle est qu’il y a eu moins d’attentats ces derniers mois grâce à une collaboration très étroite des services de renseignement: Charlie Hebdo et le Bataclan ont déclenché une nouvelle dynamique d’échange d’informations au niveau mondial. Cela a permis, même en Suisse, de stopper des planifications d’attentat. Autre raison: la montée en puissance des services de renseignement, de leurs effectifs, c’est massif, partout en Europe.

Connaît-on le nombre de personnes radicalisées en Suisse?

Non. Les personnes radicalisées n’entrent pas dans le domaine de compétence du SRC, on ne traite que les extrémistes violents, comme le stipule la loi sur le renseignement.

Qu’en est-il de ceux qui sont partis au combat?

Depuis 2001, nous avons enregistré 92 départs de djihadistes suisses vers les zones de combats. Actuellement, le SRC estime à une vingtaine le nombre de djihadistes suisses, hommes, femmes et enfants, qui se trouvent en zone irako-syrienne. Ils sont suivis par le SRC.

Et ceux qui sont déjà rentrés en Suisse?

Ils ont été condamnés, ils purgent leur peine et aujourd’hui certains sont de nouveau libres.

Quelles cibles sont visées en Suisse?

Les cibles les plus probables sont des installations routières, des rassemblements, nécessitant peu de moyens organisationnels et logistiques, et perpétrés par des auteurs isolés ou de petits groupes.

La ministre française de la Justice, Nicole Belloubet, vient de déclarer que la France envisageait désormais le rapatriement de ses djihadistes emprisonnés en Syrie. La Suisse doit-elle aussi revoir sa position? Seriez-vous en capacité de le faire?

Cette déclaration nous a surpris, mais ce n’est pas encore une décision du gouvernement français. Mme Amherd était la semaine dernière en France, c’était un point de discussion. Probablement que la Suisse s’alignera sur certains pays de l’Union européenne.

Ce serait une bonne idée?

Tous les chefs du renseignement pensent que c’est une très mauvaise idée de rapatrier. Si on rapatrie, il faut juger. Pour cela, il faut des preuves. Voilà ce que dit la majorité des jihadistes: ils sont partis, une fois sur place ils ont été très déçus, ils ont fait de la logistique, de la cuisine… certains ont été emprisonnés. Et quand on leur montre des photos avec les fusils, la réponse tombe: «C’était juste pour le fun, je n’ai jamais tué personne, je ne suis pas un soldat de l’EI.» C’est très compliqué d’obtenir des preuves. Une fois jugé (5 ans au maximum pour participation à une organisation terroriste), il y a un risque qu’ils radicalisent d’autres personnes en détention. Quand ils vont sortir, il faudra avoir un œil sur eux. Si ce n’est pas nous, ce sont les cantons. La déradicalisation est quasi impossible – d’ailleurs, il faudrait parler de réintégration. Ces gens sont amers, aigris, ils ne regrettent rien.

© Archives personnelles
© Archives personnelles

Si une décision politique validait le rapatriement, pourriez-vous le faire?

La logistique n’est pas un problème, on a tout ce qu’il faut pour aller les chercher. Cela dit, il s’agira encore d’assurer la sécurité des personnes qui participeront à l’opération. Cela reste une région très déstabilisée.

La mosquée du Petit-Saconnex s’est avérée être un lieu de radicalisation. Est-elle aujourd’hui sous contrôle?

Elle est sous le contrôle de la police cantonale genevoise. Le SRC a dans chaque canton une cellule de renseignement intégrée au corps de police. Le SRC ne peut pas infiltrer une mosquée, il n’y a pas d’instrument juridique pour le faire. Le SRC ne peut intervenir qu’à partir du moment où une personne devient violente. S’il y a une preuve d’engagement terroriste, je peux faire une demande de mesures de recherches soumises à autorisation. Pour cela, il faut l’aval du Tribunal administratif de Saint-Gall, ensuite de la conseillère fédérale chargée de la Défense qui pose la question à deux autres conseillers fédéraux, et enfin je peux y aller. Cela peut se faire en quelques heures avec des mesures d’urgence. Si le Tribunal administratif de Saint-Gall dit finalement non, je dois stopper l’opération et détruire toutes les informations récoltées. Il y a eu beaucoup de mesures visant les terroristes.

Que sait-on du financement?

Selon le chargé d'affaires d’Arabie saoudite, son pays ne soutiendrait plus les centres islamiques en Suisse, c’est-à-dire à Genève et à Bâle. On n’a pas d’indication sur qui les financera à l’avenir.

Lors de votre nomination, vous avez insisté sur les opérations d’influences. En quoi la Suisse est-elle menacée?

Cela a toujours existé, seuls les moyens changent avec le cyber. L’information «virussée», les fake news, est faite de façon très professionnelle avec des usines à trolls. Les opérations d’influence sont d’ordre politique, économique, médiatique. On l’a vu lors d’élections aux Etats-Unis, en France, un peu partout en Europe. En Suisse, notre système électoral, avec 26 cantons, nous préserve. Par contre, les initiatives et les référendums peuvent faire l’objet d’opérations d’influence. Pour les nouveaux avions de combat, par exemple, on peut s’imaginer qu’un pays n’ait pas du tout envie que la Suisse en fasse l’acquisition et intervienne. Dans ce cas précis, nous allons observer s’il n’y a pas d’intention belliqueuse d’un Etat tiers. Nous mettrons des moyens pour aider la Chancellerie fédérale afin que le référendum se passe dans les règles de l’art. Mais attention, je parle d’influence étrangère. On ne le fait pas en Suisse.

Vous avez été visé par une campagne de désinformation au moment de votre nomination.

C’était un site internet aux Etats-Unis qui m’a décrit comme un général de l’OTAN. C’est très gênant, mais les médias n’ont pas repris l’«information». C’est probablement un site qui appartient à un renseignement étranger.

La Suisse demeure un nid d’espions, pourquoi?

Pour une raison simple: nous avons énormément d’organisations internationales et non gouvernementales. L’autre grande menace est le retour des Etats-puissances, le retour de la loi du plus fort. Cela veut dire de l’espionnage, humain et cyber. Les nations ont de plus en plus besoin d’informations, d’anticiper pour avoir un coup d’avance sur leurs concurrents, comme en économie. La Suisse accueille de nombreuses missions diplomatiques avec une concentration d’espion. L’espionnage, c’est aussi l’échange d’informations entre services de renseignement. Nous avons une bonne cartographie des espions en Suisse avec un focus particulier sur ceux qui s’en prennent à la Suisse, à nos infrastructures critiques. Nous avons déjà dit qu’un tiers des diplomates russes en Suisse sont des agents du renseignement ou soupçonnés de l’être. Mais tous les espions ne sont pas diplomates. Il y a aujourd’hui moins d’espions russes parce qu’on en a identifié beaucoup et qu’ils sont partis. C’est aussi le résultat d’un dialogue avec les Russes. On ne se laisse plus faire.

Les Etats-Unis ont des moyens colossaux.

Oui, mais ce ne sont pas eux qui ont essayé d’attaquer le Labor Spiez. Je dois cibler. En matière d’espionnage, nos priorités actuelles sont la Russie et la Chine.

En fin d’année dernière, «Le Monde» révélait le démantèlement d’un réseau d’agents du renseignement militaire russe (GRU) ayant leur base arrière en Haute-Savoie. Quel a été le rôle du SRC pour stopper cette cellule?

Nous avons pris une part prépondérante à cette opération. On n’en dira pas plus.

Que cherchaient-ils en Suisse?

Ils visaient le Labor Spiez, reconnu mondialement pour les enquêtes sur les armes atomiques, biologiques et chimiques. C’est là où se trouvaient les échantillons Skripal et les échantillons d’armes chimiques retrouvés en Syrie.

L’été dernier, Ignazio Cassis déclarait à Moscou que ce problème était réglé. Qu’est-ce qui est réglé?

Je peux simplement dire qu’il y a un dialogue entre le renseignement russe et le renseignement suisse. J’ai dit à mon homologue que je ne tolérais pas les actions violentes du renseignement russe sur le territoire suisse. Et s’ils essaient d’accréditer ici un officier qui ne doit pas l’être comme diplomate, je le dirai. Il faut être clair. Nos rapports demeurent cependant cordiaux.

Il y a de plus en plus de Chinois dans les représentations diplomatiques et à l’ONU. Un nouvel acteur de l’espionnage?

Le phénomène n’est pas nouveau. Le renseignement russe est d’abord politique, le renseignement chinois est essentiellement économique. Le SRC lutte contre le vol de technologie, l’intrusion dans nos grandes entreprises, soit pour le vol d’informations, soit pour en prendre le contrôle.

Les cyberattaques qui visent nos entreprises sont-elles en augmentation?

Elles augmentent, c’est certain, mais sans qu’on puisse le mesurer précisément car, si on est victime d’une attaque, il n’y a pas d’obligation de l’annoncer. Il y a deux semaines, une grande entreprise suisse s’est fait hacker, mais elle n’a pas voulu de notre aide. C’est sa liberté. Les entreprises ont peur d’informer sur des vols de données, des noms de clients par exemple. Aujourd’hui on peut déterminer avec une grande précision l’origine d’un virus. Je peux dire si c’est russe, chinois, iranien, nord-coréen ou d’un service d’un pays ami.

Qui sont nos amis et nos ennemis?

Il n’y a ni ami, ni ennemi, uniquement des intérêts à défendre. Il y a des domaines, comme la lutte contre le terrorisme, pour lesquels on collabore avec tout le monde. En matière d’espionnage, c’est plus compliqué.

© Archives personnelles
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Vous pointez aussi du doigt l’extrémisme violent. Des jeunes d’extrême droite ont été arrêtés en Suisse alémanique, l’un d’eux en possession d’une kalachnikov. Faut-il craindre un Breivik suisse?

Cela me préoccupe. L’extrême droite est en ce moment plutôt modérée. L’immigration est historiquement basse. Mais leur capacité de menace reste élevée. Ils possèdent des armes, en toute légalité, le potentiel de violence est là. Le danger peut venir d’un élément qui sort du groupe, qui exerce une forme de contrôle. J’ai très peu de moyens légaux pour intervenir tant qu’il n’y a pas de violence avérée. Notre capacité d’anticipation est très réduite.

Et l’extrémisme violent de gauche?

Il y a les anarchistes, dont les effectifs sont stables. Eux s’en prennent à l’Etat, à la force régalienne. Ils sont très actifs et très violents. Il y a quelques mois, 21 policiers ont été blessés à Berne par des jets de cocktails Molotov et des tirs de feux d’artifice. Là aussi, je dois attendre que la violence soit avérée avant d’agir.

Cela pose la question de la loi sur le renseignement (LRens). Vous voulez l’amender?

Une révision de la LRens est en cours, c’était prévu dès son entrée en vigueur il y a deux ans. Tout ce que je demande, c’est qu’on traite l’extrémisme violent comme le terrorisme ou l’espionnage. Quand j’ai pris mon poste, l’extrémisme violent n’était pas une priorité. Je me rends compte aujourd’hui que c’est une menace tout aussi importante. Mais la loi ne me donne pas de possibilité de faire des demandes de recherche concernant l’extrémisme violent. Le terrorisme, l’espionnage, la prolifération, les opérations d’influence sont des menaces venues de l’étranger. L’extrémisme violent, lui, est une menace intérieure. Or la protection du citoyen en Suisse est un tabou. Les garde-fous contre l’Etat fouineur sont pourtant là. Je tire simplement la sonnette d’alarme. Les commandants de police vous diront qu’il faut soutenir le renseignement dans cette démarche. Dans les cantons, il y a toutefois encore des discussions à mener. La gauche est réticente lorsque l’on parle d’extrémisme de gauche. Il y a un travail d’explication à faire.

Quand espérez-vous faire adopter cette révision?

Le Conseil fédéral et le parlement décideront, c’est la primauté de la politique. Ce sera pour la fin de l’année 2020.

Certaines personnes vous ont récemment reproché de vouloir de nouveau ficher la population. Que répondez-vous?

C’est faux. Il n’y a pas de fichage de parti politique ni de politiciens au SRC. Ni d’espionnage. On suit la loi à la lettre. Ces accusations nous ont causé du tort et un dégât d’image. Il y a certes un problème sur les sources ouvertes enregistrées par le SRC. Il arrive qu’un article concerne notre domaine de compétence. Nos analystes conservent alors toute la revue de presse dans laquelle il est répertorié sous forme de PDF, pour les archives, y compris les articles sans rapport avec le SRC mais comprenant des informations sur des politiciens. C’est l’objet de la polémique. Or ces noms ne sont pas répertoriés dans nos systèmes opérationnels. Cela étant dit, dès mon arrivée au SRC, j’ai questionné la pertinence de l’archivage des documents de sources ouvertes, tels que des articles ou des revues de presse. Nous sommes passés de quinze ans d’archivage à deux ans. J’ai ainsi déjà supprimé 3 à 4 millions de données.

Qui vous contrôle?

Nous sommes le service de renseignement le plus contrôlé du monde occidental. Nous sommes d’abord contrôlés par le Département de la défense. Il y a ensuite un contrôle parlementaire, la Délégation des commissions de gestion. Il y a encore une instance de contrôle indépendante, c’est fixé dans la nouvelle loi. Il y a par ailleurs le contrôle de la Commission des finances et, bien sûr, les Commissions de sécurité. Vous pouvez dormir tranquille, je suis l’homme le plus contrôlé de Suisse.

Vous avez demandé une augmentation d’effectifs. Qu’avez-vous obtenu?

J’ai obtenu 100 postes. Pour la Confédération, c’est historique. Le SRC compte actuellement 314 postes à plein temps. Ces 100 postes seront créés sur une période de cinq ans, à raison de 20 par an depuis 2019. Il y aura un effort particulier sur le domaine opérationnel et l’extrémisme violent. On est désormais opérationnel 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Le SRC est la première ligne de défense du pays. Nous devons pouvoir anticiper et faire de la détection précoce. Nous sommes très forts dans le domaine de l’espionnage, la recherche d’information, le contact avec les services partenaires, pour créer des alliances. Ce qui nous vaut une super cote à l’étranger.

Le questionnaire de Proust

Si vous pouviez changer quelque chose à votre biographie?

La connaissance du russe et de l’arabe.

Un moment de l’histoire qui vous a marqué?

L’effondrement du mur de Berlin et la fin de l’URSS.

Le livre qui vous accompagne?

«Servir», du général d’armée Pierre de Villiers.

Votre havre de paix après une journée de travail?

Ma maison, auprès de ma femme, mes enfants, mes amis.

Le vin que vous partagez entre amis?

Un Domaine de la Pierre Latine, à Yvorne.

La Suisse, pays conservateur ou innovateur?

Les deux.

Jazz ou musique classique?

Absolument jazz. J’ai été régisseur du festival de Montreux durant deux ans. C'était dans les années 1980.

Propos recueillis par Frédéric Koller, journaliste au quotidien Le Temps