Les médicaments achetés à l’étranger bientôt remboursés?
Santé
Acheter ses prescriptions à prix avantageux en France puis se faire rembourser en Suisse? La proposition du Conseil fédéral séduit les assureurs mais fâche les pharmaciens et l’industrie pharmaceutique

Autoriser les caisses d’assurance maladie à rembourser les médicaments achetés à l’étranger: c’est l’une des pistes envisagées par le Conseil fédéral pour réduire les coûts de la santé. Dans son édition dominicale, la NZZ révèle qu’un projet est actuellement à l’étude pour les médicaments autorisés en Suisse. Un changement de cap radical, qui ne fait pas que des heureux. Principale crainte: le tourisme d’achat qui risquerait d’augmenter.
Et pour cause. En moyenne, les génériques sont 143% plus onéreux en Suisse qu’en France. Pour un médicament dont le brevet est arrivé à expiration, le surcoût atteint 61%. Aujourd’hui, il est déjà possible d’acheter des médicaments sur ordonnance en France. Certains assureurs, comme la CSS, suivent déjà cette tendance. Le projet fait partie des 38 mesures d’économie suggérées par un groupe d’experts au gouvernement. S’il devait aboutir, il impliquerait une modification de la LAMal.
Les patients gagnants
«Alors que de nombreux dossiers sont bloqués dans le domaine de la santé, la proposition du Conseil fédéral s’apparente à un coup de pied dans la fourmilière», juge la conseillère nationale socialiste Rebecca Ruiz, qui se dit a priori ouverte à une mesure qui aurait des effets bénéfiques sur le porte-monnaie des patients. «Il faut toutefois veiller à ce que la qualité de la dispense médicale demeure, le pharmacien doit garder son rôle central de coordination.» En ligne de mire: le gaspillage engendré par les ordonnances «superflues» (doublons, traitements non utilisés ou encore contre-indications).
Actuellement, les médicaments représentent environ 18% de la facture globale de la santé. Du côté des assureurs, l’accueil est plutôt bon. «Le Groupe Mutuel soutient le remboursement des moyens auxiliaires et des médicaments achetés à l’étranger pour autant qu’ils soient prescrits par un médecin reconnu par la législation suisse», détaille Jean-Christophe Aeschlimann, porte-parole. Actuellement, la caisse prend déjà en charge les médicaments acquis à l’étranger en cas d’urgence et ceux introuvables en Suisse.
Même son de cloche chez Assura. «Nous sommes favorables à toute mesure permettant d’agir en faveur de la maîtrise de ces coûts et, par conséquent, de la prime des assurés, détaille Karin Devalte, responsable de la communication. A ce titre, nous réservons un accueil positif à une démarche qui permettrait le remboursement des médicaments achetés moins cher à l’étranger.»
«Conséquences dommageables»
Pharmacien et député PDC, le Genevois Jean-Luc Forni fustige en revanche l’orientation du Conseil fédéral. «Les conséquences seront très dommageables pour la branche, prévient-il. A terme, cela sonne la fin des pharmacies de quartier, dont 30 à 40% connaissent déjà des difficultés financières.» Selon lui, le tourisme d’achat fait déjà des dégâts, en particulier dans les régions frontalières. «Plus d’un quart des médicaments périmés qu’on nous ramène sont français. Au total, on estime que 10% du chiffre d’affaires file de l’autre côté de la frontière.»
Des craintes partagées par Sara Käch, porte-parole de la faîtière des entreprises pharmaceutiques Interpharma. «Les médicaments achetés sur sol suisse sont plus sûrs et efficaces, affirme-t-elle dans la NZZ. En cas de complication avec un produit importé, aucun organisme suisse ne peut être tenu pour responsable.» Des décisions sont attendues au printemps 2018.