Permettre aux jeunes étrangers de troisième génération d’obtenir plus facilement le passeport suisse? L’UDC dit non. Le parti de droite est le seul à s’opposer au projet de loi sur la naturalisation facilitée, soumis au vote populaire le 12 février. Il y a quelques jours, une affiche mettant en scène une femme en burqa noire, incarnation supposée des «naturalisations incontrôlées», déclenchait une polémique.

Composé notamment des conseillers nationaux UDC Andreas Glarner et Jean-Luc Addor, le comité à l’origine de la publication était accusé de biaiser la réalité. Selon une étude du démographe Philippe Wanner, les quelque 25 000 jeunes concernés sont majoritairement Italiens, Turcs ou Espagnols. Dans un climat tendu, l’UDC a lancé sa campagne officielle mercredi en prônant un renforcement des contrôles. A défaut de burqa, le flyer expose un boulevard jaune barré d’un NON. Interview du Conseiller national vaudois Michaël Buffat.

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Le Temps: L’UDC démarre sa campagne tardivement, n’est-ce pas un handicap?

Michaël Buffat: Non, nous entrons dans la dernière ligne droite. Les habitants n’ont pas encore reçu leur matériel de vote, mais commencent à parler du sujet. C’est maintenant qu’il faut prendre position.

- L’affiche de la burqa, qui vise directement les musulmans, n’a pas manqué de susciter le débat. La stratégie était-elle coordonnée?

Non, l’enchaînement n’était pas voulu. Cette affiche n’est pas l’œuvre de l’UDC, nous ne l’avons pas financée. Cela dit, elle ne me dérange pas. Certes, la population concernée aujourd’hui est majoritairement originaire des pays méditerranéens ou des Balkans, mais le projet de loi de la gauche vise à ancrer un principe dans la constitution. On ne peut pas ignorer le fait qu’à long terme, le public cible puisse évoluer. Dans trente ans, c’est les fils et filles de migrants extra-européens qui seront candidats. On prend le risque d’attribuer un droit de cité à la légère, à des personnes qui ne sont pas intégrées.

- Quel est le problème de ces migrants, est-ce leur religion, souvent musulmane?

Nous n’avons aucun problème avec les musulmans, seulement avec les personnes qui ne partagent pas nos valeurs, les us et coutumes de notre pays et qui ne respectent pas notre système juridique. Un jeune qui refuserait de serrer la main de sa professeure, une adolescente qui ne voudrait pas participer aux cours de natation ou des parents qui prôneraient la charia par exemple.

- Vous reprochez le laxisme du projet de loi actuel, il a pourtant considérablement été restreint par rapport à celui de 2004. La naturalisation automatique a par exemple été supprimée, cela ne suffit pas à vous rassurer?

Non, le projet supprime le besoin de prouver son intégration, principe que nous estimons capital. S’il est accepté, les auditions devant une commission et le vote dans les assemblées communales disparaîtront. La naturalisation sera vidée de sa substance politique et réduite à un simple acte administratif. On parle pourtant d’octroyer des droits exceptionnels à des étrangers, comme aucun autre pays européen ne le fait.

- Peut-on parler de «naturalisation de masse» alors que l’étude de Philippe Wanner estime à 2300 le nombre de demandes supplémentaires par année?

La Suisse naturalise déjà 40 000 personnes par année, soit 0,39% de la population. C’est la conséquence directe de l’immigration de masse que nous dénonçons également. Dans le contexte actuel, on devrait au contraire renforcer les contrôles plutôt que chercher à ouvrir davantage l’accès. La tendance est déjà à la simplification, les critères sont de moins en moins exigeants. Après tout, si ce projet ne va bénéficier qu’à 2300 personnes a-t-on vraiment besoin de modifier la constitution? Ceux qui souhaitent vraiment devenir suisses peuvent déjà le faire par voie ordinaire.

- N’est-ce pas légitime de permettre à ceux dont les grands-parents et les parents ont vécu en Suisse d’acquérir la nationalité suisse plus facilement?

Il n’y a aucune raison à cela. Obtenir la nationalité suisse se mérite, le candidat doit fournir les efforts nécessaires. Ce qu’on risque avec cette votation c’est de simplifier le système à outrance. L’intégration se mesure sur le terrain, pas dans un bureau à Berne. Il faut pouvoir s’assurer du bon comportement du candidat. Ce que ne peut pas faire un fonctionnaire qui sait très peu de choses sur le prétendant.

- Le projet de loi stipule pourtant que cantons et communes conserveront un droit de regard?

Ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui, les communes et les cantons sont les seuls compétents pour la procédure ordinaire. Avec ce projet de loi, la Confédération prendra la main et les communes devront faire recours si elles souhaitent donner leur avis. Or ce sont elles les mieux placées pour se prononcer sur chaque cas. Il est impératif qu’elles gardent ce contrôle. Au risque d’être confronté à des dérives.

- Pouvez-vous expliciter?

Avec la technique du salami pratiquée par la gauche, la Suisse se dirige vers un système à la française avec un droit du sol et les dangers que cela implique en matière de sécurité.

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