Référendum
Un comité référendaire citoyen se lance dans la récolte de signatures contre l’application SwissCovid, soutenu par le conseiller national UDC Jean-Luc Addor. Il demande la modification de la loi sur les épidémies qui autorise désormais l’application de traçage

L’application SwissCovid est dans le viseur de détracteurs qui ont l’intention de donner au peuple suisse la possibilité de se prononcer à son encontre. Le comité référendaire lance une récolte de 50 000 signatures jusqu’au 8 octobre sous le slogan «Non à Swisscovid». Il veut interdire son utilisation en modifiant la loi sur les épidémies.
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Qui sont-ils? Réunis au parc de Milan à Lausanne, assis en rond, ils se présentent. Ils travaillent dans les télécommunications, sont dessinateurs, foreurs ou anciens banquiers, ne se disent pas politisés. Même si leur porte-parole s’appelle François de Siebenthal, proche d’Appel au peuple et de la franche la plus conservatrice du PDC – il avait été candidat au gouvernement vaudois il y a dix-sept ans. Leurs soutiens sont hétérogènes: ils vont de l’ancien directeur du centre informatique de l’EPFL Pierre Santschi au conseiller national UDC Jean-Luc Addor. Ils partagent une conviction: on a pris en otage la démocratie suisse. «Les autorités du pays ont opéré un coup d’Etat au moment de la pandémie en s’octroyant le droit d’imposer des lois, nous nous lançons en résistance et demandons à ce que le dernier mot revienne au citoyen», expliquent-ils.
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Des risques pour la vie privée
Que veulent-ils? Permettre au peuple de voter «en toute connaissance de cause» sur l’application SwissCovid. Ils pensent que, comme le masque, le caractère obligatoire de son utilisation arrivera tôt ou tard. «L’application SwissCovid, c’est Crypto AG dans toutes les poches», avance sans sourciller François de Siebenthal. Crypto AG est l’entreprise zougoise qui a fourni à de nombreux Etats des technologies de cryptage espionnées par la CIA. «Avec ce système de traçage, on met un pied dans la porte de votre vie privée. Les données ne seront pas seulement accessibles par les autorités suisses, mais par le reste du monde. On connaît les failles de cet outil, l’application doit recourir aux systèmes d’exploitation de Google et d’Apple, or on connaît l’appétit de ces géants du Net en matière de récolte de données. La technologie Bluetooth comporte aussi de son côté des risques d’utilisation abusive», alerte-t-il.
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Les tests d’identification du Covid-19, selon le comité, ne sont par ailleurs pas fiables. «Il y a beaucoup de faux positifs, notamment si on a déjà été infecté par le passé», développent-ils. Autre critique: les quarantaines imposées ont pour vocation de «déstabiliser l’économie des PME, pendant que les géants du web continuent à prospérer». A l’évocation de leur appartenance à la mouvance complotiste, ils rétorquent qu’il y a effectivement «des puissances obscures qui veulent mettre à terre la démocratie suisse».
Pas d’effet suspensif
Sur le plan institutionnel, il est rare qu’un référendum concerne une loi déjà entrée en vigueur, à savoir le 25 juin dernier. Dans ce cas, cette démarche n’a pas d’effet suspensif compte tenu du droit d’urgence. Si le référendum aboutit, le Conseil fédéral aura deux options, selon Etienne Grisel, professeur honoraire de droit constitutionnel à l’Université de Lausanne: «Soit il le soumet au peuple dans un délai d’un an, soit il décide de ne pas le faire, ce qui a pour conséquence d’annuler la loi.»
Lors du vote pendant la session d’été du parlement, Jean-Luc Addor s’était opposé à la modification urgente de la loi. Il craint ses dérives, surtout que dans un premier temps le Conseil fédéral ne voulait même pas légiférer, ce que le parlement a exigé de faire. Il tient à le préciser: «La lutte contre le virus est nécessaire, mais pas à n’importe quel prix. Ce référendum pose une question de société: jusqu’où sommes-nous prêts à sacrifier notre sphère privée dans ce but sanitaire?» interroge-t-il.
Si 1,85 million de résidents en Suisse ont téléchargé l’application SwissCovid, seulement la moitié l’ont activée. Des chiffres qui reculent ces derniers jours. «C’est un signe de défiance des citoyens, qui ne veulent pas être contrôlés par des moyens de surveillance électronique de l’Etat», souligne le conseiller national UDC. Personnellement, le Valaisan ne craint pas forcément que cette application devienne obligatoire, mais il discerne un autre danger: «Elle pourrait devenir un moyen de pression sociale si elle était par exemple exigée pour entrer dans un établissement.»