Le Conseil fédéral joue désormais sur deux fronts pour faire face au coronavirus. Comme c’est le cas depuis le début de la crise, la lutte contre sa propagation reste la priorité. Mais le gouvernement intègre désormais dans ses réflexions les mesures à prendre pour éviter une crise économique. «La protection de la santé prime. Mais il faut trouver le bon équilibre afin de permettre au pays de traverser cette phase», résume le conseiller fédéral Alain Berset vendredi, au terme de la séance hebdomadaire du Conseil fédéral. Celui-ci a notamment pris connaissance des entretiens menés par le ministre de l’Economie, Guy Parmelin, avec les représentants des secteurs économiques.

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Sur le plan sanitaire, le cap des 200 personnes déclarées positives a été franchi en Suisse. Mais un seul décès est à déplorer, survenu dans le canton de Vaud. «D’autres sont probables», avertit cependant Alain Berset. Submergé, le personnel hospitalier pourra désormais compter sur l’appui de l’armée. Jusqu’à 800 conscrits pourraient être engagés pendant trois semaines au maximum. Mais c’est aux cantons d’exposer leurs besoins. Un l’a déjà fait: le Tessin se voit allouer deux ambulances accompagnées de personnel médical. Les consignes restent inchangées: afin de ne pas encombrer inutilement les services d’urgence, insiste Daniel Koch, chef de la division des maladies transmissibles à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les personnes présentant des symptômes (difficultés respiratoires, toux, fièvre) sont invitées à rester chez elles et à contacter un médecin ou un service de santé par téléphone.

Eviter les heures de pointe

Les recommandations de l’OFSP s’orientent désormais vers les groupes les plus fragiles. Il s’agit des personnes de plus de 65 ans et de celles qui souffrent d’une maladie chronique (cancer, diabète, hypertension artérielle, cardiovasculaire, troubles respiratoires, faiblesses immunitaires). Elles sont priées de ne pas participer à des manifestations publiques (théâtre, concert, sport) et d’éviter les transports publics ainsi que les centres commerciaux aux heures de grande affluence. L’OFSP recommande d’ailleurs à l’ensemble de la population d’éviter de voyager aux heures de pointe et de se tenir «aussi loin que possible des autres personnes» dans les gares, les trains, les trams et les bus. C’est difficile à respecter, mais c’est la «distance sociale» qui ralentit le plus la diffusion du virus, souligne Alain Berset. Aux employeurs, l’OFSP conseille de réaménager leurs locaux afin d’éviter la promiscuité, de promouvoir le télétravail et de n’exiger un certificat médical qu’au terme de cinq jours d’absence.

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L’interdiction des manifestations de plus de 1000 personnes reste valable jusqu’au 15 mars. Le Conseil fédéral décidera vendredi 13 s’il la prolonge ou non. Il devra aussi rediscuter des mesures prises par les cantons pour les événements rassemblant moins de 1000 personnes. Chacun a ses propres règles. «Fédéralisme oblige, il y a une grande diversité de pratiques», constate Alain Berset. Un avis de droit rédigé par le professeur de droit constitutionnel saint-gallois Benjamin Märkli juge cette diversité «insatisfaisante». «La propagation du virus ne se modifie pas aux frontières cantonales, les inégalités de traitement fondées sur le fédéralisme n’ont aucune raison d’être», écrit-il. Plutôt qu’une obligation d’autorisation au-dessus d’un certain seuil – fixé à 150 personnes à titre indicatif –, il suggère un devoir d’annonce, qui laisse aux cantons une certaine latitude. Zurich a par exemple fait savoir qu’il ne serait pas en mesure d’examiner toutes les demandes de réunions de plus de 150 personnes, car il y en a trop.

Identifier tous les participants

Le canton de Berne se montre, lui, très restrictif. Il impose à ceux qui organisent un événement d’identifier tous les participants et de vérifier qu’ils n’aient pas séjourné dans une région à risque. Cela a déjà entraîné l’annulation de plusieurs manifestations. Le PLR a décidé de reporter l’assemblée prévue le 4 avril à Bienne. L’UDC et le PS songent tous deux à repousser les meetings, pourtant prévus à Bâle, lors desquels ils sont censés remplacer leurs présidents, Albert Rösti et Christian Levrat. Et l’on se demande si la session de printemps des Chambres fédérales ira à son terme. Les bureaux des deux conseils aborderont cette question lundi matin avec Alain Berset.

Sur le plan économique, plusieurs mesures d’aide sont étudiées. L’accès facilité aux indemnités de chômage partiel en est une, l’octroi d’une compensation financière pour les cas de rigueur, par exemple dans les secteurs du tourisme, de la culture et du sport, en est une autre. Le Secrétariat d’Etat à l’économie, en collaboration avec d’autres offices, est en train d’actualiser ses prévisions conjoncturelles et de coordonner les demandes. Il présentera ses propositions d’ici au 20 mars. La Suisse va en outre soutenir l’OMS à hauteur de 9 millions de francs.